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LE THÉÂTRE EN ITALIE.

qu’ils courent d’être ou non découverts. Du reste, l’amour finit toujours par triompher, quelques soufflets qu’il faille, pour cela, donner à la décence et à la morale. Au commencement du XVIIe siècle, les poètes de l’âge précédent sont déjà bien dépassés. Il est telle comédie du Guarini, par exemple, le charmant auteur du Pastor fido, qui, dans ce genre, va au-delà de tout ce qu’on peut imaginer de plus fort. Cette comédie a pour titre l’Idropica. Une jeune et jolie fille en est l’héroïne, et l’on devine aisément la nature de l’hydropisie dont elle est atteinte. La pièce roule d’un bout à l’autre sur la cause et le traitement de cette singulière maladie ; enfin la malade arrive sur la scène dans un état si critique, que l’on peut croire un moment que l’on va assister à la cure infaillible de cette sorte d’hydropisie. L’Idropica fut jouée en 1608 à la cour de Mantoue, pour le mariage de l’un des fils du duc.

Dans toute la durée de ce siècle, les mœurs théâtrales et le fond des pièces restèrent à peu de chose près les mêmes ; seulement, plus on s’éloignait des premiers temps de la comédie, et plus la forme se compliquait. La conduite de l’intrigue faisait négliger l’étude et le développement des caractères ; il était déjà facile de présager le prochain triomphe de l’imbroglio romanesque (commedia romanzesche) dont Jean-Baptiste Porta, le savant philosophe, Bernardo Accolti et Rafaël Borghini furent les promoteurs. La pièce des Intrigues Amoureuses, Gli intrighi amorosi, attribuée au Tasse, est le chef d’œuvre de cette nouvelle manière. La trame en est tellement compliquée, que Vénus elle-même, dans le prologue, prend soin d’annoncer que jamais son fils n’en noua de semblable. On y trouve, en effet, seize personnages principaux et à peu près autant d’actions parallèles, et un nombre infini de déguisemens et de reconnaissances. C’est un véritable labyrinthe dramatique, dont il est fort difficile de ne pas perdre le fil ; le dialogue, plein de vivacité et de nerf comique, a seul empêché cette pièce extravagante d’être considérée comme une parodie du genre.

L’imitation du théâtre espagnol, alors en grande vogue dans toute l’Europe, dominait dans ces comédies et dans les fables pastorales que le Tasse et le Guarini avaient popularisées. Vers la fin du XVIIe siècle, Girolamo Gigli, de Sienne, voulut faire sortir la comédie italienne de cette voie déjà trop battue, et fit jouer à Rome deux pièces imitées du théâtre français, Don Pirlone, calque du Tartuffe de Molière, et I Litiganti, traduction des Plaideurs de Racine. Quelques critiques ont prétendu que Girolamo Gigli mérita bien de la comédie ita-