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COLOMBA.

Adieu, monsieur ; mon père vous envoie his best love. Écoutez le préfet, il est homme de bon conseil, et se détourne de sa route, je crois, à cause de vous ; il va poser un première pierre à Corte ; je m’imagine que ce doit être une cérémonie bien imposante, et je regrette fort de n’y pas assister. Un monsieur en habit brodé, bas de soie, écharpe blanche, tenant une truelle !… et un discours ; la cérémonie se terminera par les cris mille fois répétés de vive le roi ! — Vous allez être bien fat de m’avoir fait remplir les quatre pages, mais je m’ennuie, monsieur, je vous le répète, et, par cette raison, je vous permets de m’écrire très longuement. À propos, je trouve extraordinaire que vous ne m’ayez pas encore mandé votre heureuse arrivée dans Pietranera Castle.

Lydia.

« P. S. Je vous demande d’écouter le préfet, et de faire ce qu’il vous dira. Nous avons arrêté ensemble que vous deviez en agir ainsi, et cela me fera plaisir. »


Orso lut trois ou quatre fois cette lettre, accompagnant chaque lecture de commentaires sans nombre ; puis il y fit une longue réponse, qu’il chargea Saveria de porter à un homme du village, qui partait la nuit même pour Ajaccio. Déjà il ne pensait guère à discuter avec sa sœur les griefs vrais ou faux des Barricini ; la lettre de miss Lydia lui faisait tout voir en couleur de rose ; il n’avait plus ni soupçon ni haine. Après avoir attendu quelque temps, que sa sœur redescendît, et ne la voyant pas reparaître, il alla se coucher, le cœur plus léger qu’il ne se l’était senti depuis long-temps. Chilina ayant été congédiée avec des instructions secrètes, Colomba passa la plus grande partie de la nuit à lire de vieilles paperasses. Un peu avant le jour, quelques petits cailloux furent lancés contre sa fenêtre ; à ce signal, elle descendit au jardin, ouvrit une porte dérobée, et introduisit dans sa maison deux hommes de fort mauvaise mine ; son premier soin fut de les mener à la cuisine et de leur donner à manger. Ce qu’étaient ces hommes, on le saura tout à l’heure.

XV.

Le matin, vers six heures, un domestique du préfet frappait à la maison d’Orso. Reçu par Colomba, il lui dit que le préfet allait partir, et qu’il attendait son frère. Colomba répondit sans hésiter que son