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nous toutes les opérations si fatigantes d’acheteur. Nous revînmes ensuite sur la place des factoreries, que nous traversâmes promptement, non sans remarquer cependant les petits établissemens portatifs des perruquiers et barbiers ambulans, qui sont sans cesse occupés à raser des têtes et des barbes, ou à tresser les longues queues, cet ornement indispensable du Chinois.

C’est sur cette place que donnent les deux belles rues de China-Street et New-China-Street, toutes deux parallèles, et remarquables toutes deux par leur largeur, leur beau pavé et le luxe extraordinaire de leurs magasins de bagues, d’ivoire, de rotins, de soieries, d’orfèvrerie et de peintures ; elles sont presque entièrement couvertes, et ressemblent beaucoup aux passages de Paris. C’est dans ces rues surtout que brillent des couleurs les plus vives ces longues planches posées debout et perpendiculairement au mur, de chaque côté des magasins, enseignes peintes sur les deux faces, et indiquant en caractères d’or, tracés sur des fonds rouges, blancs ou bleu de ciel, le genre de marchandises que renferme le magasin, et le nom du propriétaire, qui est écrit en outre en anglais sur un élégant écusson. Des lanternes transparentes, aux dessins vifs et variés, sont placées au-dessus de chaque porte.

Quant à l’intérieur de ces magasins, que l’on voit du dehors à travers un treillis formé des arabesques les plus délicates, et peint ou doré avec un art exquis, rien n’en saurait donner une juste idée. Éclairés par le haut, ils ne reçoivent qu’un demi-jour douteux, grace à la profusion de sculptures en bois et de reliefs dorés de toutes les formes qui garnissent les parties non occupées par les marchandises ; et, lorsque ces marchandises se trouvent être des objets en laque, le premier coup d’œil a quelque chose d’étourdissant. On ne distingue rien d’abord : ces ors de différentes teintes, ces nacres de toutes les couleurs, ces vernis aux tons obscurs et pourtant variés, semblent les broderies d’un tapis travaillé pour le palais des fées ; et, quand l’œil commence à détailler des formes, il ne sait sur quel objet s’arrêter : des tables magnifiques, des paravents, des boîtes de toutes les dimensions et de toutes les formes captivent tour à tour l’attention. Durand eut de la peine à nous arracher à la contemplation de ces brillantes curiosités, pour nous conduire chez un marchand de crépons et de foulards, où nous laissâmes une note qui devait nous coûter un peu cher quand viendrait le quart d’heure de Rabelais.

L’achat du nankin et de ce fameux grass-cloth, étoffe faite avec l’écorce d’ananas, compléta notre journée. Ce fut un vieillard à barbe