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ANCIENS POÈTES FRANÇAIS.

Sacré rameau de céleste présage,
Rameau par qui la colombe envoyée
Au demeurant de la terre noyée
Porta jadis un si joyeux message…

Colletet nous apprend le vrai nom de la demoiselle ainsi célébrée ; il le tient de bonne tradition, assure-t-il : elle était Parisienne (et non d’Angers, comme Goujet l’a dit), et de la noble famille des Violes ; d’où par anagramme Olive. Mais cet amour n’était, on le pense bien, qu’un prétexte, un argument à sonnets. Du Bellay ne paraît avoir aimé sérieusement qu’une fois, à Rome, et il a célébré l’objet, en vers latins bien autrement ardens, sous le nom de Faustine.

Avant l’Olive on n’avait fait en France que deux ou trois sonnets ; je ne parle pas de la langue romane et des troubadours ; mais en français on en citait à peine un de Marot, un autre de Mellin de Saint-Celais. Du Bellay est incontestablement le premier qui fit fleurir le genre et qui greffa la bouture florentine sur le chêne gaulois.

Dans l’Olive, l’entrelacement des rimes masculines et féminines n’est pas encore régulièrement observé comme il va l’être quelques années plus tard dans les sonnets des Regrets. Les vers mâles et vigoureux véritablement, au dire de Colletet, n’ont pas encore, il en convient, toute la douceur et toute la politesse de ceux que le poète composa depuis. On ne parlait pourtant alors parmi les doctes et les curieux que des amours de Du Bellay pour Olive et de ceux de Ronsard pour Cassandre ; on les récitait, on les commentait ; on a la glose imprimée d’Antoine Muret sur les amours de Ronsard ; celle que le savant jurisconsulte lyonnais André de Rossant avait composée sur l’Olive de Du Bellay s’est perdue. Il semblait, disait-on, que l’amour eût quitté l’Italie pour venir habiter la France.

Du Bellay, au milieu de ce premier triomphe, part pour l’Italie, ce berceau de son désir, pour Rome où il va s’attacher au cardinal son parent. Il lui avait dédié l’Illustration et adressé une ode de son premier recueil : il résulte même de celle-ci que le cardinal aurait dû faire un voyage en France vers 1550, auquel cas il aurait naturellement connu et emmené avec lui son jeune cousin. Que Du Bellay n’ait fait que le suivre au retour, ou qu’il soit allé le rejoindre[1], une

  1. Il paraît bien qu’en effet il l’accompagna ; dans l’élégie à Morel, on lit :

    Mittitur interea Romam Bellaius ille…
    Alpibus et duris ille sequendus erat
    .