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espérer que leurs intérêts soient comptés pour quelque chose dans la direction de la politique nationale.

Quoique le congrès de Vienne ait sanctionné bien des usurpations et consacré bien des injustices, quoiqu’il ait manqué à bien des promesses et trompé bien des espérances, il lui a été beaucoup pardonné par les Allemands, à cause de la satisfaction qu’il s’est efforcé de donner au plus cher de leurs vœux, celui de l’unité et de l’indépendance nationales. C’était la haine de l’oppression étrangère qui avait amené le mouvement de 1813, et qui, pour la première fois depuis bien des siècles, avait réuni dans un sentiment commun tous les enfans de l’Allemagne : les rédacteurs de l’acte fédéral s’en sont souvenus. On le voit aux précautions qu’ils ont prises contre l’étranger, à leurs efforts pour prévenir le retour d’un état de choses pareil à celui qu’avaient amené de longues dissensions intestines. Désormais tous les membres du corps germanique sont solidaires ; quiconque attaque l’un d’eux, a pour adversaire la confédération tout entière. En revanche, ils ne peuvent plus faire séparément la guerre ou la paix, ni mettre leurs intérêts particuliers à part des intérêts communs ; l’ennemi, quel qu’il soit, n’aura désormais affaire qu’à une Allemagne compacte et unie, et le scandale du traité de Bâle ne doit plus pouvoir se renouveler. Tel a été le but de l’article 11 de l’acte fédéral, et quoique tous les dangers ne soient pas prévenus, quoique la position exceptionnelle des puissances qui ont des états hors de la confédération puisse et doive amener des complications très graves, il faut reconnaître pourtant qu’on a fait à peu près tout ce que les circonstances permettaient de faire, et que la position de l’Allemagne actuelle, par rapport à l’étranger, est meilleure que ne l’était celle du saint-empire romain.

L’union future des peuples allemands contre l’ennemi extérieur est donc garantie par l’acte fédéral, autant du moins que des lois et des traités peuvent garantir quelque chose. Une autre satisfaction fut donnée au sentiment de nationalité, en ce que l’Allemagne recouvra ses anciennes limites[1], et en ce que les populations allemandes n’obéirent plus qu’à des princes allemands. Le partage des territoires vacans, fait la plupart du temps au mépris de mille convenances mo-

  1. On se plaignit toutefois qu’on n’eût pas repris à la France l’Alsace et la Lorraine, anciennes dépendances de l’empire germanique. Quelques Allemands n’ont pas encore pardonné au congrès de Vienne d’avoir respecté les conquêtes de Louis XIV, et nourrissent l’espoir qu’un remaniement futur de l’Europe réparera ce qu’ils appellent une trahison envers la cause des races germaniques.