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PERCIER.

temps tel que le nôtre, c’est prouver qu’on ne comprend pas la renaissance et qu’on connaît mal notre siècle ; c’est tenter ce qu’il y a de plus impossible au monde, de donner de la vie à ce qui n’en a plus et de l’originalité à ce qui manque d’invention : puérile et laborieuse fantaisie, qui peut bien amuser des esprits faux sans trop d’inconvéniens, tant qu’elle ne s’exerce que dans le domaine de la langue, mais qui peut coûter cher à l’état, quand elle se prend à l’architecture et qu’elle s’attaque au budget.

M. Percier avait trop de bon sens et de goût pour tomber dans de pareilles méprises. Ce qu’il admirait dans l’antique et ce qu’il cherchait à lui emprunter en l’étudiant, ce n’était pas telle ou telle forme d’architecture, toujours facile à prendre quelque part et à plaquer ailleurs ; c’était son principe du grand et du beau, du correct et du raisonnable, qui respire dans toutes ses œuvres, qui brille dans ses moindres fragmens ; c’était encore sa faculté de se prêter à toutes les applications, de se convertir à tous les usages, en offrant des modèles pour tous les cas. Ce qu’il admirait aussi dans la renaissance et ce qu’il voulait imiter d’elle, c’était l’heureux exemple qu’elle avait donné, dans les œuvres d’un Brunelleschi, d’un Bramante, d’un Palladio, d’un Peruzzi, d’un Vignole, de ces formes antiques appropriées aux besoins d’une société moderne, de ces élémens d’un art romain employés à l’usage d’une civilisation chrétienne, de manière que le nouvel édifice offrît tout le caractère d’un monument original. Et voilà l’importante leçon que M. Percier trouvait partout à Rome, voilà ce qu’il recherchait dans les édifices de la renaissance comme dans les ruines de l’antiquité, sans s’épargner aucune fatigue, sans reculer devant aucun obstacle. Citons ici un trait qui peint bien son caractère, et qui nous dispensera d’en citer d’autres.

Il existe à Rome beaucoup de maisons religieuses renfermant des débris d’antiquité, et même construites en partie de matériaux antiques, mais qui sont interdites au public. M. Percier, tout en exploitant le vaste champ que la Rome des Césars et des papes offrait à sa studieuse ardeur, ne pouvait se résoudre à rester privé de la connaissance de ces précieux débris, que le respect du lieu sacré dérobait à des yeux profanes. Voici le moyen qu’il imagina pour pénétrer dans ces retraites, que la coutume du pays rend impénétrables. Il avait remarqué que, dans certaines fêtes solennelles, la procession des religieux s’adjoignait un nombre plus ou moins considérable de personnes du monde, liées à la même confrérie, et que tous, moines et laïques, confondus sous le même costume et portant un cierge à la