Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 24.djvu/262

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
258
REVUE DES DEUX MONDES.

une restauration de la façade principale de cet édifice. Ce fut là leur premier travail de construction, et il mérite d’être remarqué, même dans une carrière signalée par tant de beaux monumens, par l’adresse avec laquelle ils surent donner à une masure à forme de pignon un aspect digne de l’Italie. Un de leurs anciens camarades, M. Lecomte, chargé de disposer la salle de la convention dans le château des Tuileries, a recours à leurs talens pour produire un projet qu’il ne pouvait à lui seul développer assez rapidement, dans un temps où les évènemens marchaient toujours plus vite que les travaux. C’est à la même époque qu’il s’ouvrit un concours public pour un projet de salle d’assemblée nationale. MM. Percier et Fontaine ne craignirent pas d’y paraître ; ils n’avaient alors ni renommée à perdre, ni fortune à risquer ; ils ne pouvaient que gagner à se commettre, même avec des rivaux dignes d’eux ; et si les concurrens étaient nombreux, comme cela arrive ordinairement, la plupart étaient habiles, ce qui est un peu plus rare. MM. Percier et Fontaine obtinrent le monument par un jugement solennel ; mais ce projet, remarquable par une grande et noble disposition, resta sans exécution. Les révolutions exaltent les têtes, échauffent les imaginations, elles produisent peu de travaux durables ; elles enfantent beaucoup de projets qui demeurent à l’état de programme ou de ruine, et, en fait de monumens, elles en détruisent encore plus qu’elles n’en votent, et surtout qu’elles n’en achèvent. Telle est aussi la double instruction que nous procure la vie de M. Percier. En même temps qu’il composait pour la révolution des monumens qu’elle ne devait point bâtir, il s’occupait à reproduire par le dessin une partie de ceux qu’elle menaçait d’abattre. Nous devons à M. Percier de nous avoir conservé, autant qu’il pouvait dépendre de lui, plusieurs des plus remarquables édifices de notre pays, qui n’existent plus aujourd’hui que dans son portefeuille. Nous lui devons même d’avoir sauvé de la proscription des monumens qui existent encore ; si la Porte-Saint-Denis excite justement notre orgueil national, c’est que M. Percier, avec son patriotisme de citoyen et son enthousiasme d’artiste, se plaça devant ceux qui voulaient la détruire. C’est ainsi qu’il a été donné à la main d’un seul homme de réparer presque autant de ruines qu’une révolution en put faire.

Enfin arriva le consulat, cette époque à jamais mémorable dans les fastes de notre pays. Napoléon, avec ce coup d’œil d’aigle qui découvrait partout les hommes supérieurs pour les mettre partout à leur place, distingua dans la foule, où ils étaient encore cachés, nos