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PERCIER.

traces que dans le portefeuille de nos deux architectes. Ai-je besoin d’ajouter que tous ces projets de monumens, qui n’existaient qu’en dessin, offraient aux yeux de l’artiste et du public le mérite d’édifices exécutés en réalité, tous aussi étudiés que s’ils devaient durer toujours, et tous accomplis dans leur genre ? On se rappelle encore l’effet que produisit la belle décoration du portail de Notre-Dame à l’occasion du sacre de Napoléon ; le caractère en était si grandiose, le style si bien en rapport avec celui de l’édifice, et c’était, de la part d’un homme aussi nourri que M. Percier des modèles de l’antiquité, un si rare effort de savoir, d’imagination et de talent, de s’être ainsi constitué architecte du XIIe siècle pour une décoration d’un jour, que tout le monde fut frappé d’admiration, et les journaux, qui publièrent que ce qui n’était encore qu’un châssis de toile deviendrait bientôt un monument de pierre, ne furent cette fois que les échos de la pensée publique. Plût au ciel que les bruits de la presse, même lorsqu’ils sont des vérités, valussent toujours un pareil mensonge ! et que n’est-il permis de se faire, pour quelque monument d’une autre époque, une illusion contraire, et d’y remplacer par la pensée la pierre par la toile !

Au milieu de tant de travaux auxquels il semble qu’ait pu suffire à peine toute l’activité de deux vies laborieuses, M. Percier et son ami n’abandonnaient pas leurs études de Rome et de l’Italie. Ils préparaient dans le silence du cabinet un Recueil des Palais et Maisons de Rome, qui parut dès 1798, et pour lequel ils obtinrent la collaboration d’un de leurs camarades, M. Bernier, admis en tiers dans l’intimité de leurs relations comme dans celle de leurs travaux. Ce recueil, qui semblait n’avoir été destiné qu’à leurs élèves, fut exécuté presque tout entier avec leurs seules ressources ; M. Percier grava de sa main tous les frontispices de chaque livraison. Plus tard, l’accueil fait à cette publication les détermina à faire paraître un autre ouvrage du même genre sur les Maisons de plaisance de l’Italie, dont l’exécution, confiée aux plus habiles graveurs, répondit sans doute encore mieux à son objet, tout en laissant regretter le burin de M. Percier, dont on n’y retrouvait que la plume. D’ailleurs, personne n’ignore quelle fut en Europe l’influence de ces deux recueils sur le goût de l’architecture privée, rappelée à un sentiment de pureté, de noblesse et d’élégance dont elle avait perdu depuis long-temps la tradition. On eût dit que les modèles offerts par la main de M. Percier avaient plus de charmes que leurs originaux, et son livre fut plus puissant pour faire comprendre l’Italie que l’aspect de l’Italie même. Mais, où l’on