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POLITIQUE EXTÉRIEURE.

Les exemples de ruptures diplomatiques non suivies de guerre abondent dans l’histoire. Il en est un surtout dont l’analogie est frappante avec le cas présent par l’intention qui dicta cette rupture, et qui était de faire peser sur une puissance une réprobation sévère.

En 1804, après l’enlèvement et l’exécution du duc d’Enghien, l’empereur Alexandre rompit toute relation diplomatique avec un gouvernement qu’il considérait comme violateur de la loi des nations. La légation française à Pétersbourg reçut ses passeports, celle de Russie fut rappelée de Paris. Le rappel des ambassadeurs n’amena point la guerre[1] ; les deux pays ne cherchèrent point à s’atteindre. Le commerce continua, les consuls eurent permission de rester.

Une circonstance vient encore fournir à la France une arme puissante pour frapper les convictions et parler aux plus vives susceptibilités de la nation anglaise : c’est la sortie probable de la flotte russe de la Baltique. Il faudrait croire que la France a perdu toute intelligence pour la défense de ses intérêts, si cette circonstance n’était mise à profit pour réveiller en Angleterre la vieille jalousie des dominateurs des mers. Cette circonstance est par elle-même un fait contre lequel toute puissance maritime de l’Europe ne saurait manquer de s’élever. La France, se fondant sur les assurances d’amitié que l’Angleterre ou du moins son ministre affecte de lui donner, a donc incontestablement le droit de requérir son concours pour protester contre cette sortie de la flotte russe de la Baltique, et s’y opposer au besoin. Si l’Angleterre refuse son concours, la France alors aura le droit et sera dans l’obligation de lui dire : « Évidemment votre flotte est plus que suffisante pour ce que vous en voulez faire dans le Levant ; si donc vous cherchez à y tripler vos forces, c’est contre moi que vous préparez cette augmentation de forces navales ; c’est donc de votre part une déclaration de guerre ! »

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8 octobre 1840.
  1. Ce ne fut que dix-huit mois après que le progrès menaçant de la politique impériale, le camp de Boulogne et les efforts de l’Angleterre effrayée amenèrent une coalition nouvelle et la campagne d’Austerlitz.

    Il y a aujourd’hui interruption de rapports diplomatiques sans guerre entre l’Angleterre et la Perse, entre la Belgique et la Russie, entre l’Espagne et plusieurs puissances.