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REVUE DES DEUX MONDES.

Diego de Lara. — Arias, envoie-moi un autre de tes fils, j’ai dépêché le premier.

Arias. — Je le prépare.

Diego. — Je l’attends.

Arias. — Don Diego, qu’il te suffise de vaincre et de tuer. Pourquoi m’affliger par tes paroles ?

L’Infante. — Vous avez plus de bravoure que de courtoisie et de compassion, don Diego.

Diego. — Je venge mon roi ; la colère m’aveugle et me rend furieux.

Le Cid. — Oui, mais n’oubliez pas que la courtoisie n’a jamais rendu le courage moins redoutable… Venez vous reposer.

Diego. — Vous auriez raison si j’étais fatigué.


Le second fils d’Arias, avant de descendre dans la lice, demande la bénédiction de son père.


Arias. — Mon fils, la mort de ton frère doit t’animer davantage encore. Il est mort en digne chevalier ; va lui payer, en le vengeant, l’exemple qu’il t’a donné. Sois maître de ton courage ; don Diego vient de nous apprendre par une triste expérience comment l’adresse triomphe de la valeur. Rappelle-toi bien que la force sans adresse ne suffit pas pour combattre à cheval, qu’on ne combat pas seulement avec l’épée, mais avec les rênes, avec l’éperon… Que la colère ne t’emporte pas, ne frappe jamais un coup sans regarder où tu le diriges. Un seul coup frappé avec intention vaut mieux que dix lancés au hasard…


Le jeune guerrier s’éloigne, la trompette retentit de nouveau, l’infante frémit.


Arias. — Oh ! si le ciel qui voit combien mes intentions sont droites, voulait se contenter de m’avoir enlevé un de mes enfans !… Du premier choc il a perdu la meilleure partie de sa cuirasse… Il saisit vaillamment son épée, mais il est désarmé… comment éviterait-il son malheur !… Mon fils, mon fils, prends garde à toi… Je me meurs… Don Diégo se borne encore à se défendre, mais il cherche le défaut de ta cuirasse… Il l’a trouvé… J’ai perdu deux enfans…

Diego de Lara. — Un autre, don Arias ; celui-ci a reçu son compte.

Rodrigue Arias. — Me voici, me voici !

Diego. — Je t’attends.

Le Cid. — Tant de paroles vont mal aux braves.

Diego. — Viens achever de rougir la garde de mon épée.

Le Cid. — Ne voyez-vous pas que beaucoup faire et beaucoup parler ne vont pas bien ensemble ?

Arias. — Mon fils, je n’y puis plus tenir ; je descendrai avec toi dans la