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DE L’ÉQUILIBRE EUROPÉEN.

l’éclatante audace du génie britannique et la froide persévérance du génie russe, entre ces deux ambitions si diverses dans leurs moyens, si analogues dans leur but, une idée grandit par les progrès de la raison publique et rallie les peuples auxquels pèsent les violences du passé comme ceux qui appréhendent celles de l’avenir. L’esprit s’inquiète et prévoit des combinaisons plus naturelles ; il se demande si la paix des générations à naître ne trouvera pas un jour dans l’intime adhésion des peuples eux-mêmes aux arrangemens diplomatiques des garanties qu’on attendrait vainement désormais d’une pondération illusoire. Un mouvement double et simultané agite le monde, et le secret de l’avenir gît dans la combinaison de ce qu’il y a d’individuel et de vivant encore dans le génie des races historiques avec l’élément progressivement unitaire sur lequel s’élève l’humanité elle-même. Que la France s’empare de cette idée, placée qu’elle est dans une position unique, pour la proclamer et pour la défendre, qu’elle s’en inspire dans toutes les situations difficiles, en fasse la règle inviolable de toutes ses transactions, et qu’elle lui emprunte une force dont le moment viendra bientôt de faire usage. Cette propagande serait juste ; seule aussi elle serait féconde, parce qu’elle n’en appellerait pas à ces passions désordonnées et fiévreuses que l’Europe ne ressent pas, parce qu’elles ne sont pas nécessaires à l’accomplissement de ses destinées.


L. de Carné.