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antiques, comme une bible accommodée aux besoins du vulgaire. L’intérêt que leur donne cette popularité même, les trésors de mythologie, de métaphysique, de poésie lyrique et légendaire qui sont enfouis dans ces immenses recueils de la tradition, les débris antiques reconnaissables encore parmi les alluvions modernes dans lesquelles ils sont enfouis et comme empâtés, pour parler le langage des géologues, ont, dans ces derniers temps, attiré sur les Pouranas l’attention des indiannistes. M. Eugène Burnouf vient de publier les trois premiers livres du Bhâgavata Purâṇa, avec la traduction en regard du texte. La littérature orientale offrait peu de tentatives plus difficiles. Un langage qui n’a plus la simplicité et la clarté de l’époque épique, une incroyable subtilité métaphysique, de perpétuelles allusions à la mythologie, il y avait là de quoi tenter l’ardeur et exercer l’habileté du savant académicien. Enfin, il fallait savoir manier notre langue et l’appliquer aux questions les plus abstraites, aux matières les plus difficiles, pour pouvoir traduire dans un français dont la pureté et l’harmonie ne laissent rien à désirer, un poème sanscrit où l’auteur use jusqu’à l’excès de la faculté que lui donne sa langue de composer des mots, et par là d’exprimer directement ce que le traducteur est obligé de rendre par des incises et des périphrases.

Cette publication, d’une haute importance, est précédée d’une préface qui est elle-même un morceau considérable, et sera accompagnée de notes dans lesquelles on est bien certain d’avance de retrouver la science et la sagacité qui distinguent les travaux nombreux de M. Eugène Burnouf.

Par une rencontre singulière, M. Wilson vient de faire paraître à Londres la traduction anglaise d’un autre Pourana, le Vichnou-Purâna. On peut donc, dès à présent, se former une idée de ce genre de monumens, qui n’était connu jusqu’ici que par des analyses et des extraits.

Les Pouranas sont au nombre de dix-huit, en tout seize cent mille vers. M. Wilson, qui les a énumérés dans sa préface, donne quelques renseignemens sur chacun de ces poèmes. Ces renseignemens, bien que succincts, font voir que les Pouranas roulent sur des sujets du même ordre, et offrent une assez grande analogie de composition.

La première question qui se présente et qui a été débattue par la critique indienne avant de l’être par la nôtre, c’est la question de la date qu’on peut assigner aux Pouranas. Colebrooke et M. Wilson s’accordent à rapporter le Vichnou-Purâna au xiie siècle de notre ère. C’est dans le siècle suivant que M. Burnouf place le Bhâgavata