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Le commerce, que son prédécesseur avait négligé ou opprimé attira surtout son attention. Il éluda, pour toucher son but, les injonctions du Coran par des interprétations très hardies. La loi, qui défend expressément le trafic du gibier et de la laine, ne défend pas de faire obtenir des chrétiens en échange de la laine, un produit qui, tourné contre eux, leur serait plus funeste que le commerce des laines ne devait leur être utile, c’était donc faire œuvre méritoire. La poudre, dont la fabrication au Maroc est imparfaite, coûteuse et insuffisante, fut reçue des mains chrétiennes par la douane impériale. Un quintal métrique de laine équivalut à une livre, puis à deux livres de poudre ; les apparences ainsi sauvées, il fut entendu qu’outre la poudre, la douane recevrait un droit en argent, fixé d’abord à trois piastres fortes, mais qui n’a pas cessé d’augmenter.

La laine lavée paie maintenant neuf piastres par quintal métrique, ce qui équivaut à la prohibition totale ; mais, au moment où ce commerce nouveau s’organisait, la laine en suint revenait à bord de 35 à 40 fr., prix qui assurait un bénéfice considérable à la vente en Europe. Aussi les étrangers se portèrent-ils en foule sur la côte de Maroc. Muley-Abderraman favorisa cet empressement par la protection spéciale qu’il promit à tous les intérêts commerciaux. Il permit à ses administrateurs d’ouvrir un compte à chaque négociant, et de lui accorder du temps pour l’acquittement des droits. Aujourd’hui, une maison anglaise du Maroc doit plus de 100 mille piastres fortes à la douane. Il n’est donc pas exact de prétendre que les patentes accordées par le sultan aux négocians étrangers s’obtiennent difficilement et sont soumises à un renouvellement annuel. Il se montre prudent et circonspect dans des concessions de crédit accordées à des inconnus sur lesquels il n’aurait pas de prise, et qui pourraient, en quittant le pays, faillir à leurs dettes ; il a raison. Aussi les négocians juifs et maures du pays, sur qui le sultan a droit de vie et de mort, comme il a droit de saisie et de confiscation sur tous leurs biens, offrant plus de garanties apparentes, sont-ils les plus favorisés. Pour eux le terme du paiement et le crédit sont indéfinis. Muley-Abderraman a même accordé de fortes avances à ceux qui manquaient de capital ou qui l’avaient perdu dans quelque opération malheureuse. Dans les villes où l’administration est le plus éclairée et le plus sévère, on a cru remédier aux abus d’un crédit illimité en établissant un mode de remboursement régulier et partiel, dont le taux est de 2 ou de 2 et demi pour 100 par mois, prélevés sur le total de la dette. Cette obli-