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aux enchères, sont vivement disputés, bien que le gouvernement ne manque jamais de les enfreindre lui-même par des concessions particulières. La plus lucrative de toutes ces spéculations, c’est le monopole que s’est réservé le gouvernement pour l’importation et la vente de la cochenille et du soufre. Les fabriques de tarbouchs de Fez ne peuvent pas plus se passer de cochenille que l’Afrique ne peut se passer de ces fabriques. Il est défendu aux Maures d’employer à leur usage personnel d’autre poudre à canon que celle qu’ils fabriquent eux-mêmes avec le salpêtre et le soufre que vend le sultan : immense bénéfice pour ce dernier et puissant moyen de sécurité. Les peines contre les prévaricateurs de ce dernier monopole sont aussi atroces que le bénéfice du sultan est considérable ; le quintal de soufre purifié, acheté à 12 fr., ou reçu en cadeau, se revend 90 fr.

Le sultan bénéficie beaucoup sur les monnaies. Le ducat, qui est l’unité monétaire du royaume, est une valeur nominale équivalente à 3 fr. 35 cent. Les monnaies effectives sont l’once, dixième du ducat, monnaie d’argent ; le flous, qui est le douzième de l’once, monnaie en cuivre ; le bantqui, monnaie en or valant trente-une onces (environ 10 fr. 50 cent.). Les quadruples et les piastres d’Espagne sont très répandues au Maroc ; on peut dire que la piastre forte est la monnaie la plus recherchée, même par les montagnards, d’abord parce qu’ils savent qu’elle est au titre, et ensuite parce que, ayant une valeur intermédiaire entre la monnaie d’or trop forte et la monnaie de cuivre trop incommode, elle se prête aux transactions domestiques d’une société qui aurait besoin de paraître misérable, si elle ne l’était pas réellement. Les Maures, habitués à enfouir leurs trésors, veulent retrouver un jour la valeur qu’ils ont déposée sous la terre. La monnaie du pays, n’étant pas au titre et baissant de prix chaque année, ne peut leur convenir. Le sultan fait recueillir les piastres à colonnes par ses administrateurs, qui ont même l’ordre d’en prohiber l’exportation. Ces piastres, achetées au cours ordinaire de seize onces du pays, produisent à la fonte au moins vingt-quatre onces. Le bantqui est actuellement au-dessous du titre, de cinq à six millièmes. Le flous est encore plus faux. À toutes ces altérations de titre, il faut joindre la falsification de l’étranger. La dîme assignée par le Coran sur les produits de la terre et la capitation des juifs, le tout évalué de 20 à 30 millions de francs par an, complètent le budget du sultan. Quant à ses revenus extraordinaires, ils dépassent ses revenus fixes. Tels sont les cadeaux régulièrement offerts par les caïds des villes et de la campagne dans les