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avec tant de force le dieu d’Abraham, s’il n’avait fondé dans le ciel une cité éternelle où Abraham et ses enfans puissent vivre heureux. C’est ainsi que les vérités de la vie future nous sont développées par Jésus-Christ. Il nous les montre même dans la loi : la vraie terre promise, c’est le royaume céleste… » Enfin, Bossuet termine ainsi sa lumineuse exposition : « Par la doctrine de Jésus-Christ, le secret de Dieu nous est découvert, sa loi est toute spirituelle, ses promesses nous introduisent à celles de l’Évangile et y servent de fondement. Une même lumière nous paraît partout ; elle se lève sous les patriarches ; sous Moïse et sous les prophètes elle s’accroît ; Jésus-Christ, plus grand que les patriarches, plus autorisé que Moïse, plus éclairé que tous les prophètes, nous la montre dans sa plénitude[1]. » On dirait que Bossuet avait prévu la confusion qu’on chercherait à établir plus tard entre le mosaïsme et le christianisme, et l’identité mensongère dans laquelle on chercherait à envelopper Moïse et le Christ.

Les discussions vraiment fécondes ne peuvent s’instituer que sur des faits certains reconnus par le bon sens et la bonne foi de tous. Ce n’est pas en déroutant les esprits sur l’interprétation du passé qu’on pourra les disposer à comprendre les vérités par lesquelles on prétend les éclairer. M. Leroux ne croit pas à l’enfer et au paradis des chrétiens, cela ne nous surprend pas ; il veut présenter à son siècle, au lieu et place de ces croyances, d’autres opinions qu’il croit plus vraies, cela lui est permis. Mais qu’il n’ait pas la prétention de trouver des auxiliaires dans les rangs même de ceux qu’il attaque. Nous avons vu plus haut comment M. Leroux entend qu’il y a deux ciel, le ciel absolu et le ciel relatif, qui tous deux sont sur la terre. Eh bien ! à l’en croire, saint Mathieu avait absolument les mêmes opinions que lui sur les deux ciel, et non-seulement le sadducéen saint Mathieu, mais le pharisien saint Luc, l’essénien saint Marc et le platonicien saint Jean. Pour tous ces disciples du Christ, il ne s’est jamais agi d’un Dieu dans le ciel. Quand Jésus-Christ dit : Notre père qui est dans les cieux, il veut aussi bien dire, qui est sur la terre. Sur ce point, M. Leroux cite Aristote. Le philosophe de Stagyre a énuméré dans son Traité du monde tous les noms divers que l’homme donne à Dieu. Il qualifie Dieu tour à tour par les épithètes de tonnant, d’éthéréen, de pluvieux, de foudroyant ; il l’appelle aussi sauveur, affranchisseur ; il l’appelle enfin céleste et terrestre. Le lecteur demandera ce que vient faire ici Aristote.

  1. Discours sur l’histoire universelle, seconde partie, chap. VI : Jésus-Christ et sa doctrine.