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UNE VISITE AU ROI GUILLAUME.

tionnelle. Six cents notables[1], élus pour les diverses provinces de la Hollande, furent ensuite appelés à voter l’adoption de cette charte qui, pour toute garantie contre les envahissemens de la royauté, instituait seulement une chambre dont les membres devaient être nommés par les états provinciaux, et dont les séances devaient être fermées au public. C’était, à vrai dire, une chambre consultative plutôt qu’une assemblée de représentans selon nos principes constitutionnels. En vertu d’une telle institution, le roi était de fait roi absolu, et les députés ne pouvaient guère servir qu’à donner plus d’autorité à ses actes, en y ajoutant celle de leur nom. Le 30 mars, jour de la bataille de Paris, la charte hollandaise fut présentée aux notables ; il n’était pas permis d’en discuter les différentes dispositions ; elle devait être jugée dans son ensemble, et rejetée ou acceptée. Des six cents élus de la nation, cent-vingt-cinq s’abstinrent de remplir leur mandat, les autres votèrent docilement, et la charte fut adoptée à la majorité de 448 voix contre 26.

Cette constitution si vite faite ne dura pas long-temps. Lorsque la Belgique fut réunie, par le congrès de Vienne, à la Hollande, des commissaires choisis dans les deux pays en rédigèrent une nouvelle ; il y eut alors deux chambres, une chambre des pairs, dont les membres étaient nommés à vie par le roi, et une chambre des députés, élue par les états provinciaux, mais dont les séances devaient être publiques.

La révolution de 1830, la brusque rupture de la Belgique avec la Hollande, devaient nécessairement apporter un second changement à la constitution de 1815. Nous n’avons sans doute pas besoin de raconter les différentes péripéties de cette révolution, la rapide et brillante campagne d’Anvers, et la longue et monotone histoire des conférences de Londres. Mais de cette époque date pour la Hollande une ère nouvelle, un nouvel esprit s’éveille parmi le peuple. Tandis qu’au dehors de son royaume Guillaume Ier conserve en dépit des protocoles une attitude belliqueuse, au-dedans l’opposition constitutionnelle, jusque-là timide, flottante, ayant peu de voix et peu d’échos, s’enhardit, se resserre, gagne du terrain. De là une lutte de sept années, lutte patiente et réfléchie entre un roi qui poursuit obstinément tantôt par la force, tantôt par des concessions apparentes, le cours de son idée, et un parti qui cherche à faire prévaloir

  1. Les Anglais, qui blâmaient l’esprit monarchique de cette révolution, condamnaient par un intraduisible jeu de mots les notables, en écrivant not ables.