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UNE VISITE AU ROI GUILLAUME.

s’est fixée en Belgique ; et quant à lui, on pense qu’il s’établira au Loo, ou qu’il se retirera dans ses terres de Silésie. À peine descendu du trône, il subit déjà les inconvéniens de son abdication : s’il s’en va en Allemagne, le peuple ne le verra pas avec plaisir emporter en pays étranger la fortune qu’il a amassée dans son pays, et qu’on évalue à près de 200,000 millions. S’il reste en Hollande, il court risque de gêner malgré lui le gouvernement de son successeur. Mais nous le croyons assez prudent et assez habile pour trouver un terme moyen entre ces deux alternatives.

Par suite de l’hostilité de la Hollande à l’égard de la Belgique, des dépenses faites pour entretenir pendant sept années une armée sur le pied de guerre, la Hollande est aujourd’hui, il faut le dire, dans un triste état financier. Un dette de deux milliards, un déficit dont on ne connaît pas encore le chiffre exact, un budget qui vient d’être porté à 130 millions, sans compter les droits d’accise dans les villes, les impôts particuliers des provinces pour l’entretien des digues, tout cela est un lourd fardeau pour un pays de deux millions et demi d’habitans.

Mais quel calme il y a dans ce pays ! quelle noble résignation ! quelle fermeté ! Quand Guillaume a abdiqué la couronne, on n’a pas entendu dans le public une récrimination sur les différens actes de son règne, pas une plainte. Chacun a apprécié à part soi les motifs de cette détermination, et a gardé le silence. Il y avait même dans les témoignages d’affection et de confiance que la Hollande prodiguait à son nouveau roi je ne sais quelle réserve pleine de convenance, comme si, en manifestant trop d’enthousiasme pour le fils, elle eût craint de faire la critique du père. La seule chose qui préoccupe vivement les habitans de ce pays, c’est de savoir au juste ce qu’ils doivent ; car ce sont d’honnêtes gens qui veulent voir clair dans les finances de l’état comme dans leurs entreprises particulières. « Qu’on nous demande 15, 20 pour 100 de notre revenu, me disait un jour un Hollandais, chacun de nous paiera sans murmurer, pourvu que nous puissions nous dire : Nous devons tant, et dans tant d’années nous serons libérés. »

La nation fonde de grandes espérances sur le règne de Guillaume II, et ce prince est en état de les réaliser. La popularité dont il est depuis long-temps entouré lui rendra facile tout ce qu’il voudra entreprendre, et il a pour le seconder dans les réformes financières devenues de plus en plus urgentes, un jeune ministre