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ment ultérieur que voulait M. Thiers. Si, au lieu de prévoir et de désirer la paix, il en était certain ; si l’avenir n’avait pour lui rien d’obscur, rien d’inquiétant, il devait demander le désarmement, car la paix armée est fort chère ; il est même douteux que le pays, à moins qu’on ne trouve une organisation moins coûteuse, se résigne longues années à un état intermédiaire qui est la paix à l’extérieur et la guerre au budget. Quoi qu’il en soit pour le moment, le ministère est conséquent en demandant cet état intermédiaire, et le vote de la chambre ne paraît pas douteux. Sur ce point décisif et pratique, plus d’une opinion individuelle s’écarte, dit-on, du drapeau de son parti. Il est, à ce qu’on prétend, quelques conservateurs qui iraient jusqu’à voter l’armement ultérieur, et on ajoute que plusieurs membres de la gauche le repoussent avec énergie.

Quant à nous, nous désirons du moins que l’armement intermédiaire soit complet, réel et sérieusement maintenu, et nous faisons avec M. Dufaure des vœux pour qu’en même temps nos armemens maritimes soient augmentés.

Il est un point dans le projet d’adresse sur lequel les deux ministères, celui du 1er mars et le ministère actuel, devraient se rencontrer pour en demander une explication nette et catégorique. On recommande à la couronne de choisir des ministres éclairés et fidèles : suit un morceau sur les avantages de la probité et les dangers de la corruption. C’est excellent ; la morale est irréprochable. Mais est-ce purement et simplement un sermon, une péroraison pieuse ? Qu’on le dise, et tout est bien. Serait-ce autre chose ? sera-ce autre chose demain, après-demain ? Dira-t-on un jour à quelqu’un : De te fabula ? Cela s’est vu, et c’est ce qu’aucun cabinet ne doit, ce nous semble, accepter. S’il n’y a pas d’allusion, qu’on le dise ; s’il y a une allusion, justice veut qu’on l’explique. S’applique-t-elle au cabinet qui s’en va ? au cabinet qui arrive ? à l’un et à l’autre ? Voilà du moins, redisons-le, un point sur lequel les deux ministères seront d’accord : ils demanderont à la commission de s’expliquer.

L’Espagne, tranquille en apparence, est toujours dans un état déplorable. Espartero déchoit tous les jours dans l’esprit des Espagnols ; on obéit au chef de l’armée ; on est loin de lui supposer la capacité et la puissance d’un homme d’état. Mais que peut espérer l’Espagne après Espartero ? L’Espagne est toujours travaillée de la même maladie ; il n’est aucun parti qui puisse s’emparer du pays et le gouverner : les uns manquent de lumières, les autres de force matérielle, les autres de puissance morale.

Le parti exalté est peu nombreux. Il se compose d’avocats et de négocians. Cela peut faire du bruit, du désordre ; ils ne s’empareront pas des masses.

Le peuple, surtout le peuple des campagnes, est carliste, ardent carliste. Qu’on ne s’y trompe pas ; ce n’est pas une personne que ce mot désigne, mais un système. Don Carlos est à peu près perdu dans leur esprit. Ce qu’ils regrettent n’est pas sa personne, mais les couvens, les moines, les distributions qu’ils faisaient au peuple, et les vingt ou vingt-cinq mille places que les fils du peuple, du paysan trouvaient dans les couvens. Là était leur conscription, leur bâton de maréchal. Ils pouvaient devenir dignitaires de l’église,