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ŒUVRES COMPLÈTES DE PLATON.

que la nôtre, nous lui proposons notre amitié pour prix de sa découverte »

M. Cousin n’a pas eu l’occasion de s’expliquer sur une autre partie plus obscure et plus ingrate de la doctrine de Platon, sur la théorie des nombres. C’est un point de la philosophie platonicienne que nous ne connaissons guère que par la tradition et par les réfutations d’Aristote. Il en est fort peu question dans les dialogues, et toujours d’une manière détournée. Deux passages seulement, l’un dans le septième livre de la République, l’autre dans le Timée quand il décrit la formation de l’ame d’après les lois de l’harmonie musicale, rappellent cette étrange et mystérieuse philosophie qui passa de l’école de Pythagore dans celle de Platon, et avait encore des partisans, tant de siècles après, dans l’école d’Alexandrie et à côté de cette école. En lisant les extravagances de Macrobe, de Censorinus sur la grande vertu du nombre 7, sur la sainteté des nombres impairs et les causes de cette sainteté, quand on se rappelle que tant d’autres folies ont été répétées de siècle en siècle comme des vérités évidentes par elles-mêmes, on sent une sorte de découragement et de vertige, comme si l’on avait sondé les profondeurs d’un abîme. N’a-t-on pas fait honneur aux pythagoriciens d’avoir connu l’immobilité du soleil au centre du monde et la sphéricité de la terre ? Mais si le soleil est immobile c’est que le repos est supérieur au mouvement, et la terre n’est sphérique qu’à cause de la beauté de la sphère, la plus accomplie de toutes les formes. Hélas ! quand Archimède voulut déterminer la distance du soleil par la projection des ombres, il n’y eut qu’un cri dans l’école contre cet ignorant, qui voulait faire de l’astronomie sans se fonder sur les lois de la musique. Platon, tout pythagoricien qu’il pouvait être, ne tomba jamais dans ces extravagances où l’enthousiasme pour ses moindres paroles a poussé ses commentateurs. Il souriait sans doute quand il disait dans la République, avec un si grand sang-froid en apparence, que le roi est 729 fois plus heureux que le tyran. Le dirai-je pourtant ? je crois qu’il y a dans tout cela beaucoup plus que des symboles. Pour les nombres, je n’en doute pas ; pour les mythes, tout en approuvant l’opinion de M. Cousin, tout en la trouvant parfaitement sage et vraisemblable, je serais tenté d’aller un peu plus loin. Ceux qui pensent tout-à-fait comme lui se refusent à attacher une grande importance aux mythes et aux symboles de Platon. Ils ne vont pas jusqu’à prétendre que ce sont là de purs ornemens du discours, mais aussi ne veulent-ils pas admettre dans Platon une croyance implicite. Il croit un peu, il doute encore