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QUESTION D’ORIENT ET DISCUSSION PARLEMENTAIRE.

de clairvoyance et de courage ; il ne serait blâmable que s’il n’en voulait pas convenir, et s’il essayait de disculper sa conduite de l’imputation honorable d’avoir encouru des dangers qu’à nos yeux il serait louable d’avoir vus et bravés.

Ces dangers étaient manifestes quand le cabinet du 1er mars se forma. Cependant il ne voulut pas désespérer de l’alliance anglaise. Il ne faisait pas, comme le cabinet qui l’avait précédé, profession de défiance. Il pouvait se croire quelques droits particuliers à se faire écouter du cabinet britannique. Mais si ses espérances, sous ce rapport, ont été de courte durée, ce n’était pas une raison pour lui d’abandonner les principes posés dans la négociation ; il trouvait l’opinion de la France engagée sur tous les points, et bien engagée. La déserter eût été une faiblesse sans motif, et probablement une duperie. La France, d’ailleurs, n’avait que trop prouvé, dans mainte autre affaire, qu’elle n’était pas opiniâtre, et savait abandonner une position. Plus encore que de réussir, il importait de la montrer résolue et constante, capable de vouloir une chose et de s’y tenir. C’était la première condition de la réhabilitation de notre politique étrangère. Le cabinet du 1er mai paraissait l’avoir senti lui-même. Souvenons-nous du double conseil de M. Guizot, prévoir et persévérer. Pourquoi le succès n’aurait-il pas jusqu’à un certain point répondu à la persévérance ? On devait compter sur l’influence d’un nouvel ambassadeur, dont l’envoi était à lui seul un engagement de plus envers la politique qu’on appelle égyptienne. Pour quel motif, en effet, l’ancien ambassadeur avait-il été rappelé ? Ce n’est pas apparemment qu’il lui manquât ou la haute expérience, ou le jugement supérieur, ou l’habitude du maniement des grandes affaires. Était-ce qu’on le soupçonnât d’indifférence pour l’alliance anglaise, de penchant à laisser prévaloir une puissance du Nord à Constantinople ? Non, assurément. On ne lui reprochait qu’une seule chose, on craignait qu’il n’attachât pas une assez capitale importance à la question territoriale, et qu’il ne fût personnellement porté à transiger sur cet article. C’est notoirement dans l’intérêt de l’Égypte, ou, pour mieux parler, dans l’intérêt du point de vue exclusivement français de la question d’Orient, que M. Guizot fut nommé ambassadeur. Rien n’avait dû mieux avertir le cabinet de Londres des intentions de celui de Paris, comme aussi de son désir invariable de concilier le point capital de son système avec le maintien de l’alliance anglaise. Quiconque a vécu dans la chambre des députés du mois de décembre 1839 à la fin de février 1840, sait que jamais la politique dite égyp-