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pendant que le mariage de Fernand et de Léonor se célèbre renferme d’excellentes parties. L’intention en est heureuse et nouvelle. Cette manière de faire intervenir le chœur, de le mêler au drame et de lui donner à discuter l’action qui se joue, appartient à M. Donizetti, qui l’a déjà plusieurs fois mise en œuvre avec succès dans ses bonnes partitions, dans les derniers actes d’Anna Bolena et de Lucia surtout. Fernand sort de la chapelle, les courtisans lui tournent le dos, on chuchotte, on se retire, on le délaisse ; le jeune homme apprend tout, et, dans le transport de son indignation, maudit Léonor et brise son épée aux pieds du roi qui vient de lui donner sa maîtresse pour femme. Tel est le sujet du finale où le maître va se relever un peu de son abattement, et nous apparaître pendant quelques mesures dans tout l’éclat de son inspiration et de son talent. L’adagio de ce finale se développe avec grandeur, les voix et les instrumens se combinent par degrés dans une de ces harmonies larges et pathétiques dont M. Donizetti a seul le secret, grace aux ressources de mélodie et de science dont il dispose à ses bons momens ; et lorsque le majeur éclate sur une explosion unanime de l’orchestre et du chœur, les applaudissemens ne se contiennent plus. C’est là un effet légitime et beau ; quel dommage que M. Donizetti l’ait répété si souvent dans le finale de Lucia, dans le finale des Martyrs, que sais-je ? Mais, puisque l’idée est bien venue, n’allons pas faire le procès à la forme, et lorsqu’une bonne rencontre nous arrive, prenons-la comme elle se donne ; le cas est assez rare dans la Favorite pour qu’on le remarque, d’autant plus que le plaisir ne dure guère. À peine vous vous reposez dans une sensation agréable des fatigues de la soirée, que voilà tout à coup une cabalette des plus vulgaires qui gronde à vos oreilles, comme pour vous avertir que cet éclair d’inspiration où vous venez de vous complaire a disparu. — Le quatrième acte se passe tout entier, comme l’introduction, au fond d’un cloître du moyen-âge. Encore les orgues, encore les psalmodies et les processions ! Au lever du rideau, vous assistez à tous les actes de la vie ascétique la plus terrible. Des moines, jeunes et vieux, sont dispersés de tous les côtés du théâtre ; les uns chantent la messe, les autres creusent leurs fosses, en se disant : Frères, il faut mourir (quel agréable passe-temps que le théâtre aujourd’hui !) ; ceux-ci marmottent leurs patenôtres en dévidant leur chapelet ; ceux-là, étendus au pied d’une croix gigantesque, se voilent la face dans leurs capuchons, et semblent abîmés dans tout le désespoir de la pénitence. Si vous aimez les tableaux de Zurbaran, vous en avez sous les yeux tous les monastiques et lugubres personnages. Reste à savoir jusqu’à quel point un pareil spectacle est convenable. Que le théâtre prenne au culte catholique ses orgues, ses encensoirs et ses cloches, toute sa pompe extérieure, passe encore ; la poésie et la musique peuvent, à certaines rares occasions, réclamer ces élémens étrangers à la scène, et la manière dont on les met en œuvre justifie alors l’emprunt qu’on en a fait : ainsi du cinquième acte de Robert-le-Diable et de la scène de l’église dans Faust. Mais aller fouiller jusque dans les plus intimes secrets du sanctuaire, parodier les san-