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suffisait pas ; duplicité, longues intrigues et habiles trames. Elle ne pouvait en imiter les vices élégans et voluptueux, qui exigent un plus long apprentissage des arts et une moins rude vie. C’était donc à l’élégance qu’elle réservait sa haine. Les voluptés étaient condamnées par ces mêmes gens qui versaient le sang humain comme on verse l’eau des fontaines, et qui prodiguaient le parjure avec le meurtre.

Tel était l’état moral de l’Écosse lorsque le catholicisme romain essaya de la reconquérir vers le milieu du XVIe siècle. L’entreprise était difficile ; elle contrariait l’esprit même de la race.

À la tête de la grande cohorte catholique, dont le centre était à Rome, on voyait ces princes lorrains, les Guises, si orgueilleux, et si braves. Encouragés et suivis par les populations de l’Espagne, de l’Italie et du midi de la France, par la bourgeoisie flamande et parisienne, leur redoutable avant-garde, et par la vaste armée des moines, ils s’appuyaient sur le sénat des cardinaux romains et sur leur collaborateur intéressé, Philippe II. À la tête du parti protestant, il n’y avait personne ; cette opinion ne souffre pas de maître unique. Faute d’un seul chef, elle en trouvait mille ; ses racines et ses rameaux étaient nombreux. La sève protestante circulait dans toutes les races germaines et pénétrait dans le nord de la France. Des guides et des représentans partiels dirigeaient les bataillons isolés du protestantisme, Calvin à Genève, Hutten et Zwingle en Suisse, Knox en Écosse. Les champions du Midi et du pape, les Guises, avaient pour eux l’avantage que donne l’autorité centralisée, régulière, sûre de l’obéissance et disposant de forces savamment disciplinées. En revanche, ils rencontraient de toutes parts, dans le nord de l’Europe, des groupes résistans et populaires, de petits centres bien organisés et chauffés par le fanatisme ; si l’isolement de ces groupes était une faiblesse, cette faiblesse était compensée par la profonde sympathie des races du Nord avec les opinions protestantes.

Knox, le Mirabeau de la réforme religieuse en Écosse, véritable révolutionnaire, plus farouche que Calvin, plus indomptable que Luther, d’une éloquence dure et écrasante, d’une persévérance que rien n’étonna jamais, se mit à lutter, pour le Nord et le calvinisme, contre le catholicisme et les Guises. Ce fut lui qui embarrassa la régence de Marie de Lorraine, mère de Marie Stuart, lui qui, aidé d’Élisabeth, fit tomber la tête de cette extraordinaire et malheureuse princesse. On n’a pas assez remarqué cet antagonisme ; on n’a vu,