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Londres, virtuellement contenu dans cette note collective du 27 juillet, qui n’était elle-même que l’application rigoureuse des principes posés dans le rapport de la commission.

Hâtons-nous d’ajouter qu’en adhérant aux conclusions de ce rapport, d’ailleurs si remarquable, la chambre cédait à un honorable sentiment, et qu’elle était, à son insu peut-être, dominée par cet esprit de transaction et d’équité qui depuis vingt-cinq années s’introduit dans le droit public européen comme le germe précieux d’une organisation nouvelle. Le parlement a subi cette influence à laquelle un grand pays peut être fier d’avoir fait des sacrifices, alors même qu’ils ont si cruellement tourné contre lui. La France n’a pas voulu rompre la première la grande association dans laquelle elle fut admise après la libération de son territoire ; elle a eu foi dans le désintéressement de l’Europe, parce qu’elle était elle-même désintéressée ; et, comme il convient à son génie et à sa mission dans le monde, elle a devancé l’avenir, même au détriment de ses intérêts.

Si c’est là une faute, elle peut honorablement s’avouer. Mais, au point de vue politique, elle n’en reste pas moins grave, car la moindre connaissance des vues divergentes des cinq puissances devait, ce semble, dissuader d’un mode de procéder dont il était facile de prévoir le résultat final.

Nous nous croyons le droit de tenir ce langage, parce que nous n’avons pas attendu, pour manifester notre désaccord sur ce point, les déceptions amères sorties des évènemens. Au sein de la commission de 1839, l’auteur de ces réflexions combattit seul la pensée plus loyale que politique d’un concert qu’alors, comme aujourd’hui, il réputait chimérique. Cette opinion, il l’a portée deux fois à la tribune[1] ; il a constamment établi, par ses écrits comme par ses paroles, qu’à ses yeux la question de Constantinople n’avait pour la France qu’une importance de second ordre, que le premier devoir de celle-ci était de préserver Alexandrie et Suez, non moins menacées que le Bosphore ; et deux fois il a répété, en improuvant la négociation collective alors entamée, qu’un arrangement prompt et direct entre le suzerain et le vassal pouvait seul empêcher l’accord funeste de l’Angleterre et de la Russie, en dehors et au détriment des vues modérées de la France. Il a donc le droit de persister dans des opinions que les circonstances n’ont point faites et qui sont destinées à leur survivre.

  1. Moniteur, séances du 1er juillet 1839 et 11 janvier 1840.