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SITUATION POLITIQUE.

venait donc prendre la place de M. Thiers, non parce qu’elle était mal remplie, mais parce que volontairement M. Thiers l’avait quittée. Entre M. Thiers et son successeur, il n’existait en réalité qu’une différence : c’est que celui-ci, tout en se proposant le même but, croyait plus que celui-là à une solution pacifique. Aux yeux du 29 octobre, le grand armement n’était pas immédiatement nécessaire, mais il le pouvait devenir, et le 29 octobre alors ne resterait pas en arrière du 1er mars.

Tel fut, on s’en souvient, le langage des premiers jours, langage destiné à calmer l’agitation du pays et à déplacer la majorité ministérielle. Cependant quand il parut certain que la majorité suivrait l’impulsion donnée et que le pays resterait tranquille, le langage ne tarda pas à changer. On découvrit alors qu’avant comme après le traité, le ministère du 1er mars avait marché de faute en faute, d’imprudence en imprudence, de témérité en témérité. On découvrit que son désir apparent de maintenir une paix honorable cachait l’intention bien arrêtée d’allumer en Europe un immense incendie et de bouleverser le monde. On découvrit, enfin, qu’aussi insensé que coupable, ce ministère avait en trois mois préparé la chute de la monarchie constitutionnelle et le démembrement de la France. Il fut dès-lors entendu que le pays venait d’échapper à un très grand danger, et que, pour conjurer les plus déplorables extrémités, il était temps qu’un nouveau ministère Périer succédât à un nouveau ministère Laffitte. C’est encore ce qu’on répète aujourd’hui, en y ajoutant le sombre tableau du déficit dans nos finances et des 8 à 900 millions que le 1er mars a, dit-on, engloutis.

De ces deux versions, laquelle est la bonne ? Ce n’est certes pas la seconde, et personne, même ceux qui le disent, ne pense sérieusement qu’entre le 1er mars et le 29 octobre il y ait cette énorme distance. Est-il vrai, d’un autre côté, que, comme on le prétendait d’abord, les deux ministères se touchent ? Nous sommes loin de le penser, et nous voulons essayer de montrer quel est, à l’extérieur comme à l’intérieur, le caractère fort distinct des deux politiques. Nous aborderons cet examen avec tout le respect possible pour les personnes, mais avec la ferme résolution de dire la vérité tout entière sur les choses et sur les situations.

Le grand but de la coalition, de cette coalition si diversement jugée, et sur laquelle il serait puéril d’instituer aujourd’hui une nouvelle polémique, son but avoué, c’était, tout le monde le sait, de rétablir la vérité du gouvernement représentatif et d’assurer définitivement