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DOCUMENS INÉDITS SUR MARIE STUART.

ridionale éveillait autour d’elle. Son extrême bon sens, la calme bienveillance de son esprit et la connaissance qu’elle avait acquise des mœurs écossaises, sauvaient le présent et garantissaient son trône ; fille de la maison de Guise, alliée à la maison de France, liguée avec le saint-siége et l’Espagne, elle déploya dans cette situation difficile une habileté rare. Knox s’était échappé des galères de France ; revenu en Angleterre en 1550, il avait prêté son secours au réformateur Cranmer, et, après un séjour de quelques mois chez son collaborateur Calvin, il avait regagné l’Écosse, qu’il retrouva, en 1555, plus ardente que jamais à l’œuvre de la réforme. Une émeute protestante fut l’un des premiers spectacles qui accueillirent son retour. « J’ai vu, dit-il dans ses Mémoires, l’idole de Dagon (le crucifix) brisée sur le pavé, et prêtres et moines qui fuyaient à toutes jambes, crosses à bas, mitres brisées surplis par terre, calottes en lambeaux. Moines gris d’ouvrir la bouche, moines noirs de gonfler leurs joues, sacristains pantelans de s’envoler comme corneilles. Et heureux qui le premier regagnait son domicile, car jamais panique semblable ne s’est vue parmi cette génération de l’Antechrist[1]. » Vous retrouvez ici l’ardeur du sarcasme révolutionnaire. Avertissement pour les Guises et pour leurs amis ; il ne fut pas écouté. Une femme d’un véritable génie et d’une clairvoyance égalée par son audace et par sa ruse, Élisabeth, protestante, mais plus ambitieuse que protestante, venait de monter sur le trône d’Angleterre et remplaçait la catholique Marie Tudor. La conspiration du Nord réformé gagnait du terrain, non-seulement dans le peuple (l’autorité du protestantisme n’y avait jamais été douteuse), mais dans les palais. L’armée catholique et les Guises ses chefs redoublèrent d’efforts.

L’éducation italienne de Marie s’achevait au Louvre et à Saint-Germain. « En l’asge de treize à quatorze ans, dit Brantôme, elle soutint publiquement, en pleine salle du Louvre, une raison (thèse) en latin, disant qu’il estoit bienséant aux femmes de savoir les lettres. Songez quelle rare chose et admirable ;… et se fit plus éloquente que si dans la France mesme eust pris sa naissance. Elle se réservoit deux heures du jour pour estudier et lire. » Marie n’était pas seulement savante ; elle était fille des Guises, dont Castelnau a dit, que « leurs desseins furent immenses, et qu’ils réussirent seulement à ébranler l’Europe en ruinant leur maison. » La première apparition de Marie Stuart dans l’histoire, le premier jet de son

  1. Knox, pag. 104.