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POÈTES ET ROMANCIERS MODERNES DE LA FRANCE.

Quand Lebrun-Pindare mourut en 1807, le nôtre ne se vengea de lui qu’en déplorant cette perte dans une ode élevée qui justifiait le uno avulso non deficit alter…, et qui rappelle celle de Le Franc de Pompignan sur la mort de Jean-Baptiste Rousseau, la plus belle pièce encore qu’on doive à celui-ci, a dit dans le temps un méchant. Une strophe de l’ode de M. Lebrun, où il rendait un hommage à Delille, lui valut une visite du vieux poète, ce qui était alors une gloire.

Les huit années, de 1805 à 1814, furent remplies pour lui de beaucoup d’études et de plusieurs essais. Une première tragédie, ou plutôt une pastorale dramatique, intitulée Pallas, fils d’Évandre (1806), et inspirée des derniers livres de l’Énéide, se fait déjà remarquer par du pathétique et plus de naturel que ne s’en permettaient volontiers les muses de l’Empire. Cette pièce, non représentée, n’eut pas même la publicité de l’impression à sa naissance[1]. J’imagine que les plaintes du vieil Évandre s’arrachant des bras de son fils unique, qui vole aux combats et à la mort, n’auraient pas convenu pour l’attendrissement au maître sourcilleux :

N’as-tu pas des enfans ? Un jour, Ilionée,
Si le ciel en son cours ne rompt ta destinée,
Tu connaîtras combien les momens sont cruels
Qui ravissent un fils loin des bras paternels.
Tu verras comme moi s’alarmer ta tendresse,
Surtout si c’est l’enfant sorti de ta vieillesse,
S’il a survécu seul à ses frères nombreux,
S’il est l’unique bien que t’aient laissé les Dieux,
S’il est l’appui dernier d’une maison qui tombe,
Et si tous ses aïeux le suivent dans la tombe.

Le jeune poète servait mieux la pensée impériale par deux odes sur les campagnes de 1806 et de 1807, par une autre au Vaisseau de l’Angleterre, qui a de l’énergie dans la menace :

Il n’a pas lu dans les étoiles
Les malheurs qui vont advenir ;
Il n’aperçoit pas que ses voiles
Ne savent plus quels airs tenir ;
Que le ciel est devenu sombre…

Un jour, en 1808, à Fontainebleau, l’Empereur, qui se souvenait de la méprise de Schœnbrunn et de la visite de Saint-Cyr, et pour qui

  1. Elle fut imprimée chez Didot en 1822, à très peu d’exemplaires.