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POÈTES ET ROMANCIERS MODERNES DE LA FRANCE.

habile, heureuse, applaudie. Sa Marie Stuart, qui parut d’abord un commencement, était à certains égards une fin ; c’était la fin et le romantisme modéré le plus avancé, le plus extrême, de cette honorable reprise dramatique qui s’ouvre par Agamemnon, qui se continue par les Templiers, dans laquelle Ducis, venu un peu plus tard, eût trouvé sa place. Marie Stuart, dans les mêmes formes encore, prolonge et couronne. L’art dramatique postérieur, qui fait peut-être fi de tout cela maintenant, aura-t-il donc de loin des témoignages si imposans à offrir dans cet inventaire final qui réduit tant d’œuvres ?

Qu’on me laisse dire encore : ces points, de vue sont si éloignés déjà, si fugitifs ; ceux même qui les devraient le mieux savoir semblent si peu s’en ressouvenir en jugeant aujourd’hui, que j’ai besoin de tourner en tous sens pour les marquer. Marie Stuart était une transition, mais j’ose ajouter, une transition à ce qui n’est pas venu, à ce que l’auteur n’a pas achevé de réaliser lui-même. La tentative du moins était bonne, et elle demeure en vue comme une tête de pont qui n’aurait pas été continué. Le Cid d’Andalousie, qui devait faire l’arche suivante, a manqué, est resté en suspens et comme non avenu. Lors de Hernani plus tard, le pont a été hardiment repris, mais à un autre endroit et de l’autre côté de la rive. Il en résulte qu’entre l’ancien art dramatique et le nouveau il n’y a pas eu de pont et qu’on n’a point passé.

Représentons-nous bien l’état littéraire de la France aux abords de l’année 1820. La jeune école de Mme de Staël commençait à percer dans le monde ; la jeune école normale, M. Cousin en tête, étonnait dans son premier feu. Le plus léger des houzards romantiques, M. de Stendhal, poussait des pointes en divers sens ; des esprits studieux et libres, comme M. Fauriel, avaient de l’action dans de petits groupes distingués. Le séjour et les relations de Manzoni en France l’avaient fait d’abord connaître ; Charles Loyson, dans une ode sur l’Enthousiasme poétique, qu’il adressait à l’illustre Lombard, lui disait :

Toi, le talent est ton excuse ;
L’art te condamne, mais ta muse
S’absout, à force de beautés[1].

Plusieurs des romans de Walter Scott venaient de passer le détroit.

  1. Lycée français, tome IV, page 241. Dans ce même tome du Lycée, page 61, se trouvait une critique de Carmagnola par M. Chauvet, laquelle provoquait Manzoni à sa lettre en français sur les Unités. Mais ceci empiète et touche à la fin de 1820.