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DOCUMENS INÉDITS SUR MARIE STUART.

guardia. Si l’on suppose au contraire que Lutini a reçu de Joseph la confidence du complot relatif au meurtre projeté, que Lutini a trouvé dans les papiers de la reine et emporté avec lui quelque document important, capable de compromettre Marie Stuart, tout s’explique sans peine. C’est même la seule manière de rendre cette correspondance intelligible. Élisabeth défendit à ses agens de permettre l’extradition de Lutini, qui, se trouvant en sûreté en Angleterre, ne réclama pas sa liberté.

Mais la grande catastrophe se prépare. Morton, que l’on veut associer à la conspiration, exige une autorisation écrite et signée de la reine. Celle-ci fait répondre simplement qu’elle ne veut pas entendre parler de cela[1] ; réponse singulièrement brève et insignifiante, si l’on songe que c’est l’assassinat de son mari qui lui est demandé, et si l’on compare ces légères paroles avec les évènemens qui vont se dérouler.

Ces jeunes gens si brillans et si joyeux, lorsque naguère ils partaient ensemble pour la chasse au faucon, se sont mutuellement et mortellement outragés. Darnley a délaissé, insulté, bravé Marie. Ses maîtresses, ses habitudes crapuleuses, sa lâcheté, son manque de foi, l’assassinat de Riccio, justifient l’abandon de la reine. Il ne peut écarteler ses armes du blason d’Écosse, et son écusson reste vide dans le palais et dans l’église. Seul, à Stirling, sans argent, sans serviteurs, malade, pendant qu’elle appelle les seigneurs à ses fêtes et court les forêts au bruit du cor, il tombe dans un profond accablement. Mais un jour tout change. Après avoir repoussé Darnley du pied comme quelque chose de vil, après lui avoir témoigné le dédain le plus mérité et le plus complet, après avoir raillé publiquement son inconduite, sa vulgarité, ses mœurs, sa nullité, et l’avoir traité avec froideur et dureté pendant une maladie mortelle, elle vient tout à coup le trouver à Glascow, le 22 janvier 1567. Henri lui fait dire qu’il est souffrant, qu’il la prie de l’excuser, qu’il sait qu’elle a des griefs contre lui. Il l’évite, car il la craint.

— Bah ! Répond-elle, c’est qu’il a peur ; contre la peur il n’y a pas de remède.

Elle pénètre de force dans la chambre à coucher de Darnley, commence par causer avec lui de choses indifférentes, et touche enfin aux sujets qui les intéressent l’un et l’autre. Cette conversation, confiée par Henri à Thomas Crawford, été écrite tout entière par

  1. Confession de Morton avant sa mort.