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AFFAIRES DE BUÉNOS-AYRES.

ladresse, les journaux qui tentèrent de faire planer sur lui un soupçon d’indiscipline. L’expédition qu’il commandait prit soin de le laver de cet injuste reproche par la tristesse morne avec laquelle elle accueillit ses adieux.

Pour remplacer l’amiral Baudin, le ministère ne sortit point des illustrations de la marine ; son choix se porta sur le vice-amiral baron de Mackau. Du reste, il n’y avait de changé dans l’expédition que le commandant. Nul autre chef n’était plus digne que l’amiral de Mackau de remplir la place que l’amiral Baudin laissait vacante. On sait par quelle vaillante action l’amiral de Mackau a marqué ses débuts dans la carrière des armes : jeune aspirant, commandant accidentellement un brick de guerre, il prit un brick anglais plus fort que le sien. L’habileté qu’il a toujours déployée dans les hautes missions qui lui furent confiées, l’a placé dans une sphère à part. Pacificateur à Haïti, commandant en chef des Antilles françaises quand la guerre menaça d’éclater entre la France et les États-Unis, négociateur et général tout ensemble à Carthagène des Indes, il répondit toujours par le plus entier succès à la confiance de son gouvernement. Cette fois, on le substituait à un plénipotentiaire habile, à un général de haut renom, la tâche était difficile ; les faits diront s’il a démenti les espérances qu’on fondait sur lui.

Reportons notre attention sur les bords de la Plata.

Le général Lavalle courait la campagne de Buénos-Ayres. D’abord il battit ou dispersa quelques petits détachemens des troupes de Rosas ; mais où donc étaient les sympathies populaires qui devaient naître sous ses pas ? À son approche, tout le monde fuyait ; ses caresses même épouvantaient. Est-ce donc là l’accueil que le peuple fait à ses élus ? Si même San-Pedro lui restait comme point de refuge, c’est que notre flottille le lui gardait.

La double nouvelle du débarquement inopiné du général Lavalle et d’une prochaine expédition des Français arriva à Buénos-Ayres. La résolution de Rosas fut aussitôt prise ; on vit bien qu’il mûrissait son plan depuis long-temps. Les Français n’en voulaient qu’à sa ville, il le savait : la défendre contre nous, c’était s’exposer à y être pris lui-même ; il n’y songea pas un instant : il l’abandonna, et porta son armée à cinq lieues dans la campagne, où il se retrancha. Il regarda comme une folie l’idée que nos troupes pussent s’aventurer dans la plaine de Buénos-Ayres. Il ne craignait point, quant à Lavalle, qu’il essayât de forcer ses retranchemens ; quelques centaines d’hommes qu’il laissa dans la ville lui parurent une force suffisante pour la mettre à couvert d’un coup de main de ce côté, bien persuadé que, si ces unitaires réprouvés osaient seulement se présenter, la terre semblerait enfanter une armée spontanément, vieillards et enfans s’armeraient pour les exterminer. Lavalle en effet poussa ses excursions jusqu’aux avant-postes de Rosas ; il escarmoucha autour de son camp, mais là se borna son audace : il établit son quartier-géneral à la Guardia de Lujan, à quelques lieues du camp de son ennemi. Nous ne dirons point les transports de joie des exilés argentins à la nouvelle du débarquement de leur général dans la province de Buénos-Ayres ; on les devine assez ; quant à leur langage, on le connaît déjà : « Que l’amiral Dupotet,