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les envoyant au collége. Il en résulte deux graves inconvéniens. En général, ces jeunes gens, qui ne se sentent point destinés à une carrière élevée, font assez négligemment leurs études ; et quand, après des succès médiocres, ils rentrent vers dix-huit ans dans la profession et les habitudes de leur famille, comme rien dans leur vie ordinaire ne leur rappelle et n’entretient leurs études passées, quelques années ont bientôt effacé le peu de savoir classique qu’ils avaient acquis. Souvent aussi, ces jeunes gens contractent au collége des relations et des goûts qui leur rendent difficile ou presque impossible de rentrer dans l’humble carrière de leurs pères : de là, une race d’hommes inquiets, mécontens de leur position, des autres, et d’eux-mêmes, ennemis d’un ordre social où ils ne se sentent point à leur place, et prêts à se jeter avec quelques connaissances, avec un talent plus ou moins réel et une ambition effrénée, dans toutes les voies ou de la servilité ou de la révolte… Assurément nos colléges doivent rester ouverts à quiconque peut en acquitter les charges ; mais il ne faut pas y appeler indiscrètement les classes inférieures, et c’est le faire que de ne point élever des établissemens intermédiaires entre les écoles primaires et nos colléges. L’Allemagne et la Prusse en particulier sont riches en établissemens de ce genre. J’en ai signalé et décrit plusieurs en détail à Francfort, à Weimar, à Leipzig, et la loi prussienne de 1819 les consacre. Vous voyez que je veux parler des écoles bourgeoises (Bürgerschulen), nom qu’il est peut-être impossible de transporter en France, mais qui est en lui-même exact et vrai par opposition aux écoles savantes (Gelehrteschulen), appelées en Allemagne gymnases et parmi nous colléges… L’école élémentaire doit être une, car elle représente et elle est destinée à nourrir et à fortifier l’unité nationale, et, en général, il n’est pas bon que la limite fixée par la loi pour l’enseignement de l’école élémentaire soit dépassée ; mais il n’en est point ainsi pour une école bourgeoise, car celle-ci est destinée à une classe toute différente ; il est donc naturel qu’elle puisse s’élever en proportion de l’importance des villes pour lesquelles elle est faite. Aussi l’école bourgeoise a-t-elle en Prusse des degrés bien différens, depuis le minimum fixé par la loi, jusqu’au degré où elle se lie au gymnase proprement dit…

Les écoles bourgeoises allemandes, un peu inférieures à nos colléges communaux pour les études classiques et scientifiques, sont incomparablement supérieures à la plupart pour l’enseignement de la religion, de la géographie, de l’histoire, des langues modernes, de la musique, du dessin et de la littérature nationale. Selon moi, il est de