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LA HOLLANDE.

pauvre loup sa victime ; puis vient le petit chien Courtois, qui conte ses doléances en français[1] et accuse Renard de l’avoir volé ; puis le pauvre Couard le lièvre, à qui Renard faisait épeler le Credo pour lui tordre pieusement le col au beau milieu de son oraison. Le malfaiteur, condamné devant le tribunal du roi par tant de voix, n’est défendu que par Tibert le chat et Grimbert le blaireau, qui le représentent comme un saint homme de Dieu fuyant le monde et le péché et ne vivant que d’abstinences et de mortifications. Au moment où Grimbert termine son apothéose, on voit descendre du haut de la montagne Chante-Clair qui amène sur un brancard les restes de Coppe, sa poule chérie, que Renard a traîtreusement égorgée, ainsi que dix de ses enfans. Le roi ému ordonne de chanter les vigiles ; ensuite on porte Coppe en terre, on lui élève au milieu de l’herbe verte un tombeau de marbre, sur lequel on place cette inscription : Ici est enterrée Coppe, qui savait si bien gratter la terre et que le cruel Renard a tuée avec sa race.

La colère des ennemis de Renard puise dans cet incident une nouvelle énergie, et le roi, irrité enfin de tous ces méfaits, ordonne qu’on somme le coupable de paraître à sa cour. C’est Brun qui se charge de remplir cette mission, Brun l’ours, qui s’en va niaisement tomber dans le piége de son habile adversaire. Renard le reçoit avec empressement, lui fait toutes sortes de protestations affectueuses, et, sous prétexte de lui livrer de magnifiques rayons de miel, le conduit en un endroit où le malheureux ours se trouve tout à coup la tête prise dans un tronc d’arbre ; puis il va sonner l’alarme dans le village, et tous les habitans accourent avec des pelles, des fourches, des pieux, frappant sur l’ours et le rouant de coups, tant qu’à la fin l’infortuné, voyant qu’il y va de sa vie, fait un effort désespéré, s’arrache la peau de la tête et se sauve, saignant, boitant, dans une rivière où ses ennemis furieux ne peuvent l’atteindre. Pendant ce temps, compère Renard avait trouvé moyen d’attraper une poule et s’en revenait l’esprit joyeux, le corps dispos, songeant que son ennemi Brun était mort, quand tout à coup, au détour de la colline, il l’aperçoit, couché sur le bord de la rivière, les flancs meurtris, la tête et les pattes pelées et toutes rouges de sang. — Oh ! maudits villageois, s’écrie-t-il, qui avez laissé si sottement échapper la victime que je vous livrais ! Puis il s’approche de lui en riant et se dandinant, et lui dit : Seigneur prêtre, que Dieu vous soit en aide ? Connaissez-vous Renard le

  1. Ende clagede den coninc in fransois.