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jamais les élans patriotiques d’un loyal député n’avaient été plus heureusement conciliés avec la mesure et la réserve que sa position commande au ministre qui préside à nos relations extérieures.

Comment se fait-il cependant que le projet du cabinet, le projet des mandataires responsables de la couronne ait pu trouver 150 voix hostiles dans les centres ? Il aurait succombé sans le secours habile, loyal, énergique de l’opposition ; il aurait succombé si le talent, l’éloquence, l’influence parlementaire de MM. Thiers, de Rémusat, Odilon Barrot, n’avaient écarté l’écueil contre lequel on voulait le pousser et le briser. Nous ne ferons pas ici l’éloge des orateurs qui sont venus au secours de la loi. Cet éloge est dans la bouche de tout le monde. Leurs adversaires politiques eux-mêmes rendent hommage à la puissance de leur parole. Il n’y a, au reste, plus rien à dire sur ces vieux athlètes de la tribune que la France entière connaît ; M. de Rémusat, qui n’avait pas jusqu’ici pris une part très active aux combats parlementaires, M. de Rémusat s’est surpassé. Il est désormais au nombre des orateurs les plus habiles de la chambre. Il n’y en a guère de plus spontanés, de plus simples, de plus efficaces.

Que faut-il craindre ? que peut-on espérer ? Verrons-nous le projet de loi, le projet du gouvernement repoussé par une portion toujours si considérable des centres ?

Nous savons tout ce que l’amour-propre, les paroles dites, les partis pris peuvent imposer même aux hommes les plus honorables. Cependant nous aimons à croire que parmi les 175 il s’en trouve un grand nombre qui n’ont voté l’amendement que dans la conviction que c’était là, non un moyen de faire tomber la loi, ni même le seul système de fortifications possible, mais bien le système qui conciliait le mieux la défense de la capitale avec l’économie. Ceux-là veulent les fortifications, ils les veulent aussi résolument, aussi loyalement que nous ; mais ils étaient persuadés, sincèrement persuadés qu’entre les deux systèmes on pouvait sans crainte donner la préférence au système des forts détachés. Redisons-le : nous ne condamnons pas comme absurde, comme inique, comme déloyale, cette opinion qui n’est pas la nôtre. Nous la concevons, nous la respectons partout où elle est raisonnée et sincère. Mais cette opinion a succombé dans l’épreuve. Dès-lors tous ceux qui veulent fortifier la capitale, tous ceux qui ne veulent pas laisser aux coalitions de l’étranger l’espoir de nous faire une guerre révolutionnaire, et de frapper la France d’une balle à la tête, tous ceux qui aiment la paix de la force et de la dignité, et non la paix de la servitude et de la honte, tous ceux-là doivent maintenant se rallier franchement, sans arrière-pensée, sans regret, au projet du gouvernement ; ils doivent dire aux ministres de la couronne : Nous avons pu désirer autre chose, il a pu y avoir parmi nous une diversité d’opinions qui, de votre propre aveu, a existé même au sein du cabinet ; mais l’épreuve est faite, le jugement est porté ; nous ferons dans la chambre ce que plus d’un ministre a fait dans le conseil ; nous sacrifierons nos préférences à la nécessité