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REVUE — CHRONIQUE.

céder le banc ministériel à MM. Dufaure et de Lamartine ; si la loi était adoptée à une faible majorité, c’est-à-dire par les votes de l’opposition aidée de cette portion des centres qu’on a souvent poursuivie de mordantes épigrammes, et qui, par sa constante fidélité au pouvoir, a peut-être de notre situation politique un sentiment plus vrai que ceux qui se targuent d’une indépendance excentrique et subversive, il faudrait appeler au ministère MM. Thiers et Rémusat. Ce n’est pas nous qui nous en plaindrions. Suivez vos fantaisies, soit ; mais sachez que bon gré mal gré, elles produiront leurs conséquences naturelles.

Il est des hommes qui se révoltent à l’idée du prochain retour de M. Thiers aux affaires. Nous ne sommes pas de ceux-là, nous le répétons ; mais nous sommes de ceux qui ne voudraient pas acheter la chute du cabinet par le rejet des fortifications, et nous dirons à ces hommes inconséquens : Tâchez donc de vous mettre d’accord avec vous-mêmes ; soutenez donc les projets que présente le cabinet de votre choix ; et, quelle qu’en ait été l’origine première, quoi qu’en pense l’opposition, couvrez-les, pour ainsi dire, de vos suffrages ; faites que personne n’ait le droit de vous dire bientôt : Cette grande mesure nous appartient ; vous n’en vouliez pas, c’est à nous de l’exécuter.

Mais, disent les grands politiques, rien de semblable n’est à craindre ici : les ministres ne font pas de leur projet une question de cabinet. Faut-il donc répéter tous les jours les vérités les plus vulgaires ? Est-ce à nous, qui ne sommes pas dans le camp ministériel, de vous dire que les questions de cabinet se font toutes seules, par la force et la nature des choses, sans le cabinet, malgré le cabinet ? Avait-on fait préalablement, explicitement une question de cabinet du traité d’Amérique, de la loi de disjonction, de la dotation ? Les hommes, en prenant les affaires, doivent-ils donc renoncer à tout respect pour eux-mêmes, et fouler aux pieds l’opinion publique et le bon sens ?

Aussi qu’arrive-t-il ? On renverse les ministres et on s’étonne de les avoir renversés. On est tout ébahi de son propre fait. Puis bientôt on s’en console ; on s’en frotte même quelque peu les mains ; on se dit avec une sorte d’étonnement orgueilleux, j’ai donc pu faire cela ! Et à la première occasion on recommence ce jeu déplorable, sans savoir au juste ni ce qu’on veut ni où l’on va ; on abat pour abattre, pour essayer ses forces, pour se convaincre soi-même qu’on est un homme important, redoutable.

Nous ne savons pas si l’amendement de M. Schneider n’était pas, ainsi que plus d’une personne l’a imaginé, une combinaison de parti, si, en renversant l’enceinte continue, on n’espérait pas démasquer deux batteries, l’une dirigée contre le 1er mars, l’autre contre le 29 octobre.

Laissons ces conjectures peut-être hasardées. Toujours est-il que M. Guizot a bien senti les embarras de la position que cet amendement faisait au cabinet. Aussi a-t-il cherché à s’en démêler dans son discours d’hier, et il l’a fait avec loyauté. Il a ménagé les centres, il le devait ; il a cherché à éviter toute collision avec le président du conseil, il le devait ; il a repoussé l’amendement et maintenu avec force, par les argumens politiques et de pur bon sens, le