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DE L’ALLIANCE ANGLO-FRANÇAISE.

affaires étrangères ; il lui a suffi de répéter, contre M. Thiers, tout ce qu’elle disait en 1833 contre lord Palmerston. Quoi qu’il en soit, quand les puissances absolutistes, si peu bienveillantes pour la France de 1830, attaquaient avec cette violence et par de tels motifs le ministre whig, il semble que ce ministre dût au moins trouver chez l’ambassadeur de France bonne volonté et appui. Il n’en fut rien. Presque dès son arrivée, M. de Talleyrand avait jugé convenable de manifester à la fois, pour le gouvernement qui l’accréditait et pour le ministère auprès duquel il était accrédité, beaucoup d’indifférence et même de dédain. Vivant au milieu des tories, il parlait leur langage, flattait leurs passions, encourageait leurs intrigues. Selon lui, les whigs, par tous pays, étaient un parti bâtard, sans principes, sans consistance et sans avenir. Quant à lord Palmerston personnellement, il le traitait avec une légèreté et une hauteur qui devaient le blesser au cœur. La conséquence, c’est qu’un jour lord Palmerston irrité se vengea de M. de Talleyrand en le faisant attendre deux heures dans son antichambre. À dater de ce moment, M. de Talleyrand jura la perte de lord Palmerston, et s’unit fort étroitement, pour y parvenir, aux ambassadeurs d’Autriche, de Prusse et de Russie. Ceux-ci, ravis d’un tel renfort, trouvèrent fort piquant de prendre fait et cause pour M. de Talleyrand, et de s’abriter, pour diriger leurs batteries contre le ministre révolutionnaire, derrière l’ambassadeur de la révolution.

Les choses en étaient là quand, en 1834, après la retraite de lord Grey, le parti ultra-tory, secondé par la reine, poussa le faible roi Guillaume à congédier brusquement lord Melbourne et à appeler sir Robert Peel. On sait la part que prit le corps diplomatique à cette tentative malheureuse ; mais on ne sait pas assez que, dans une si grave circonstance, les whigs n’eurent point d’adversaire plus prononcé que l’ambassadeur de France. Quand il vit que les whigs allaient revenir au pouvoir de vive force, et que lord Palmerston, malgré l’Europe entière, malgré le roi, malgré la chambre des pairs, ne pouvait manquer de reprendre le portefeuille des affaires étrangères, M. de Talleyrand sentit que sa situation à Londres n’était plus tenable, et donna sa démission. Il ne fallut rien moins ensuite que l’habileté bien connue de son successeur, le général, aujourd’hui maréchal Sébastiani, pour réparer un peu la brèche et pour rétablir des rapports convenables avec lord Palmerston et le cabinet whig.

Encore une fois je ne veux pas attribuer à la querelle de M. de Talleyrand et de lord Palmerston une importance démesurée. J’ai