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pourtant lieu de croire qu’elle contribua à rendre les sentimens moins bienveillans, les relations plus difficiles. J’ajoute que la lettre par laquelle M. de Talleyrand, en se retirant, semble faire remonter jusqu’à la couronne elle-même la responsabilité de sa conduite, fut loin d’apaiser les ressentimens que cette conduite avait excités, et de rétablir la bonne harmonie entre la France et le ministère whig.

Je viens maintenant aux questions dont j’ai parlé, et sur lesquelles la France et l’Angleterre ne purent parvenir à s’entendre. La première est la question grecque, dont jamais on n’a beaucoup parlé, mais qui donna lieu à une dissidence profonde entre les deux cabinets.

Depuis la fondation de l’état grec, cet état, on le sait, était de fait sous le protectorat collectif de la France, de l’Angleterre et de la Russie, qui plus tard, en 1832, convinrent par un traité de venir efficacement à son aide, et de garantir l’emprunt qu’il désirait contracter. Cette garantie impliquait naturellement pour chacune des trois puissances le droit de se mêler jusqu’à un certain point des affaires de la Grèce et de veiller à ce que ses ressources ne fussent point gaspillées. Or, sur ce terrain, il fut constamment impossible à la France et à l’Angleterre de se mettre d’accord. La France, fidèle à son principe de constituer dans la Méditerranée de véritables nations, demandait que le roi Othon consacrât sa nationalité nouvelle en renvoyant les Bavarois qui l’entouraient, et en donnant au peuple qu’il était appelé à gouverner, non certes une constitution comme la nôtre, mais des institutions raisonnables et assorties aux mœurs et aux habitudes du pays. L’Angleterre, fidèle à son habitude de domination exclusive, contrariait ouvertement les desseins de la France, et soutenait de toute son influence M. d’Armansperg, dont elle avait su faire un instrument. La querelle alla si loin, qu’au commencement de 1835, je crois, lord Palmerston trouva bon de dénoncer à la cour de Vienne M. le duc de Broglie, alors ministre des affaires étrangères en France, comme un révolutionnaire, et presque comme un jacobin. Selon lui, donner à la Grèce des institutions, même mitigées était un acte de folie, si ce n’est quelque chose de pis. Ce qu’il fallait à ce pays, c’était le despotisme pur et simple.

Grace à l’appui de la Russie et de l’Autriche, lord Palmerston l’emporta ; mais quelque temps après, M. d’Armansperg tomba et avec lui l’influence prépondérante de l’Angleterre. Sait-on alors ce que fit le cabinet whig ? Changeant subitement de principe et de langage, il devint l’allié non du parti constitutionnel modéré, mais