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DE L’ALLIANCE ANGLO-FRANÇAISE.

du parti révolutionnaire. Dès-lors des institutions mesurées, raisonnables, graduelles, ne suffirent plus, et la Grèce fut excitée à se donner sur-le-champ une constitution radicale et telle que le pays ne pouvait la supporter. L’influence qu’elle avait demandée au despotisme, l’Angleterre en un mot la demanda à l’anarchie, et trouva fort mauvais que la France ne la suivît pas sur ce nouveau terrain.

On comprend facilement que, d’une divergence si complète et si prolongée, il naquit à Athènes, entre les ministres de France et d’Angleterre, à Paris et à Londres, entre les deux gouvernemens, de vives et quelquefois d’amères discussions. Comment s’accorder d’ailleurs quand le point de départ et le but sont si fort éloignés l’un de l’autre ? Ce que voulait la France, comme elle l’a voulu depuis en Égypte, c’est créer une puissance indépendante, vivant de sa propre vie, capable de choisir ses alliances et de compter dans le monde. Ce que voulait l’Angleterre, comme elle le veut aujourd’hui en Égypte, c’est abaisser toute puissance qui s’élève, affaiblir tout état qui se fortifie, et tenir, à tout prix et par tous les moyens, les gouvernemens et les peuples sous sa main.

Pendant que l’affaire de Grèce aigrissait ainsi les esprits et préparait obscurément la rupture de l’alliance, une autre affaire, celle de l’Espagne, vint porter un coup bien plus rude aux bonnes relations des deux pays. Pour apprécier sainement la conduite de l’Angleterre en cette occasion, il convient de remonter assez haut.

J’ai dit qu’au début l’Angleterre n’avait vu qu’avec répugnance et jalousie la France entrer dans le quadruple traité, et devenir, au même titre qu’elle, protectrice des gouvernemens de Portugal et d’Espagne. En Portugal, il est vrai, l’influence de la France était presque nulle à côté de la sienne ; mais en Espagne, le parti modéré qui gouvernait en 1834 et au commencement de 1835, paraissait s’appuyer sur la France plus que sur l’Angleterre. Quand donc, en 1835, MM. Martinez de la Rosa et de Toreno demandèrent l’intervention, l’Angleterre, consultée par le ministère du 11 octobre, s’y refusa tout net. Ce n’est pas tout. Quelque temps après, le ministère du 11 octobre, préoccupé de l’état de l’Espagne et convaincu, comme l’expérience l’a prouvé depuis, que les provinces basques se battaient pour leurs fueros plutôt que pour don Carlos, revint à la charge et proposa à l’Angleterre, non plus une intervention, mais une médiation armée entre les parties belligérantes. Or, cette médiation, à laquelle l’Espagne avait donné son assentiment, fut encore refusée. Ainsi, qu’on le remarque bien, deux refus successifs de la part de