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DE L’ALLIANCE ANGLO-FRANÇAISE.

Ainsi que je l’ai dit, l’alliance française avait acquis en Angleterre, depuis dix ans, une espèce de popularité. Les radicaux, par sympathie politique et par amour de la paix, s’y montraient sincèrement et fortement attachés ; les whigs en faisaient un article essentiel de leur programme. Les tories modérés l’acceptaient comme un moyen d’affermir l’équilibre européen. Les ultra-tories seuls, ceux dont lord Londonderry est le représentant dans la chambre des lords, et sir Robert Inglis dans la chambre des communes, conservaient contre la France toutes leurs vieilles haines et tous leurs vieux préjugés. Les progrès et les empiétemens de la puissance russe, voilà d’ailleurs ce qui troublait, ce qui agitait le pays, et l’on sentait parfaitement combien, dans le cas d’une lutte avec cette puissance, l’amitié de la France avait de prix. Quand un matin, par une indiscrétion du Morning-Herald, on apprit la conclusion du quadruple traité, il y eut donc, même avant de savoir ce qu’on dirait à Paris, étonnement général et stupeur universelle. Cette impression devint bien plus vive encore au moment où les lettrés et les journaux de France firent connaître la juste irritation qui se manifestait dans toutes les opinions, dans tous les partis, dans toutes les situations. Aussi deux jours avant la clôture de la session, le 6 août, lord Palmerston se crut-il obligé de rassurer l’opinion, et de promettre tout haut, comme il l’avait fait tout bas, la résignation, si ce n’est l’adhésion de la France. Il accompagna cette déclaration d’un récit des faits inexact et de quelques politesses destinées à faire passer tout le reste. Mais la France n’en était pas encore venue au point d’accepter avec joie et presque avec reconnaissance de vaines protestations et de doucereuses paroles. Le mouvement continua donc, et l’Angleterre put croire que lord Palmerston s’était trompé, et qu’il s’agissait de toute autre chose en France que d’un dépit bruyant et passager.

À partir de ce moment, il faut, en Angleterre comme en France, distinguer deux périodes fort différentes, avant et après la prise de Beyrouth. Voici quelle fut avant la prise de Beyrouth l’attitude des partis.

Pour les tories, il faut l’avouer, la situation ne laissait pas d’être embarrassante. Bien que les plus modérés d’entre eux, le duc de Wellington et sir Robert Peel en tête, se fussent rattachés à l’alliance française, cette alliance n’était pourtant pas celle vers laquelle les portaient naturellement leurs principes et leurs antécédens. Les tories ardens, en félicitant bruyamment lord Palmerston sur son retour à la vieille et bonne politique, gênaient d’ailleurs le parti tout