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DE L’ALLIANCE ANGLO-FRANÇAISE.

en sera d’autant plus facile à renverser, si vous le voulez, et vous en aurez, si vous préférez la reconnaître, d’autant plus de mérite. » Il y a dans ce peu de paroles toute la politique anglaise en abrégé.

Avec la meilleure volonté du monde, il est impossible d’admettre qu’en signant le traité du 15 juillet, l’Angleterre ait été mue par un amour platonique et désintéressé pour les droits du sultan et pour sa légitimité. Est-il plus vrai qu’elle ait voulu, comme elle le prétend encore, mettre fin à la tyrannie de Méhémet-Ali et affranchir d’un joug insupportable les populations chrétiennes de la Syrie ? Chose singulière ! il y a douze ans, l’Angleterre faisait la guerre pour soustraire les populations chrétiennes de la Grèce aux horreurs de la domination turque ; elle fait la guerre aujourd’hui pour rendre aux populations chrétiennes de la Syrie les bienfaits de la même domination. Disons toute la vérité. Si la tyrannie égyptienne était déplorable, l’anarchie turque ne l’est pas moins. Mais l’Angleterre n’exploitait pas la tyrannie égyptienne, et elle espère exploiter l’anarchie turque. De là sa préférence pour celle-ci, et l’intérêt tout nouveau qu’elle semble prendre au bien-être et à la liberté des populations.

Ce n’est donc, quoi qu’on en puisse dire, ni pour consolider la paix, ni pour diminuer l’influence russe, ni pour protéger la légitimité du sultan, ni pour venir en aide aux populations opprimées, que l’Angleterre s’est séparée de la France et a tiré le canon. Ce sont là de vains prétextes qui s’évanouissent au plus léger examen, et la vraie raison reste toujours à trouver. Cette vraie raison, voyons pourtant si nous ne pourrions pas la découvrir, non par le raisonnement, mais par l’examen attentif de certains documens irrécusables et clairs. Et d’abord, quand on cherche en Angleterre la pensée des partis, ce ne sont ni les journaux quotidiens ni les discours parlementaires qu’il convient d’interroger. Les journaux quotidiens, rédigés à la hâte, ont en général le caractère d’une spéculation plutôt que d’une opinion. Au parlement, on se pose, on se drape, on parle par la fenêtre ; mais chaque parti a une Revue où d’ordinaire il dépose toute sa pensée et où se trahissent quelquefois ses plus secrètes intentions. Telle est pour les radicaux la Revue de Westminster, pour les tories la Revue trimestrielle, pour les whigs la Revue d’Édimbourg. Or, ces Revues ont toutes les trois, dans leur dernier numéro, examiné dans son ensemble et dans ses détails la question d’Orient. Voici, si j’ai bien lu, ce qui résulte de cet examen.

Je dirai peu de mots de l’article de la Revue de Westminster, écrit,