Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 25.djvu/492

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
488
REVUE DES DEUX MONDES.

dit-on, par M. Bowring. Cet article, très favorable à la France, est d’un bout à l’autre la critique la plus amère de toute la politique de lord Palmerston. Après avoir fait ressortir ce que ces mots, « indépendance et intégrité de l’empire ottoman, » ont de ridicule dans la bouche de puissances qui, depuis bon nombre d’années, pillent à l’envi les provinces de cet empire, et qui aujourd’hui même dictent au sultan toutes leurs volontés, l’organe du parti radical rappelle l’assentiment éclatant donné par l’Angleterre à l’arrangement de Kutayah, et déclare la politique actuelle du cabinet whig aussi déloyale qu’inconséquente. Puis, au moyen d’une analyse approfondie de l’état moral et religieux des populations orientales, il arrive à cette double démonstration, qu’il est impossible de rétablir en Syrie la domination turque, et que, quand bien même on y parviendrait, ni la Syrie ni la Turquie ne s’en trouveraient mieux. La conclusion, c’est que lord Palmerston, pour un but chimérique et mauvais, a brisé l’alliance française et troublé la paix du monde. Il est inutile d’ajouter que de la Revue de Westminster il ne sort, sur les intentions et les vues du ministère, aucune révélation.

Avec la Revue trimestrielle, dont l’article est écrit par M. Croker, la lumière commence à poindre. Pour la forme, on adresse bien à lord Palmerston quelques reproches rétrospectifs ; mais en ce qui touche sa conduite depuis six mois, on lui donne raison sur tous les points. Le seul tort de lord Palmerston, c’est d’avoir montré trop de déférence pour la France et de lui avoir fait trop de concessions. Ainsi le traité aurait pu et dû être plus long-temps caché au cabinet français. Ainsi encore, c’est une faiblesse insigne que de revenir sur la déchéance prononcée contre Méhémet-Ali. Mais, à ces légères fautes près, lord Palmerston a rendu un grand service à son pays. Sait-on pourquoi ? La France tendait à prendre en Égypte et en Syrie une influence qu’il importait de lui enlever. La Revue tory ne regrette nullement d’ailleurs la rupture de l’alliance française, surtout quand cette rupture peut conduire à un rapprochement avec les cours du Nord. Pour tout dire en un mot, le traité fait rentrer la politique anglaise dans la voie d’où jamais elle n’aurait dû sortir. À ce titre, il mérite l’approbation de tous ceux qui tiennent aux vieilles traditions nationales.

Ce langage, on le voit, est déjà fort clair ; mais celui de la Revue d’Édimbourg, organe avoué du ministère, l’est bien plus. Pour comprendre toute l’importance de l’article dont il s’agit, il faut savoir qu’il a été écrit par M. Macaulay, membre du cabinet, et retouché d’une