Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 25.djvu/496

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
492
REVUE DES DEUX MONDES.

autre ami du ministère, qui, comme la Revue d’Édimbourg, déclare nettement que « le traité a eu pour but d’empêcher que la France n’eût dans le Levant plus de puissance et d’influence que l’Angleterre. L’Angleterre tout entière doit se féliciter que ce but soit glorieusement atteint. »

Qu’on ne croie pas que par ces citations je veuille ajouter à une irritation déjà bien forte ; mais il est nécessaire que la vérité soit connue : or, la vérité, je le répète, c’est que, pour tous les partis en Angleterre, l’abaissement de Méhémet-Ali et la destruction de l’influence française dans le Levant sont le sujet d’une vive satisfaction ; c’est de plus qu’une fois l’œuvre accomplie, tous les partis commencent à songer à l’avenir, et à se dire que, dans le cas possible d’une lutte entre la Russie et l’Angleterre, il serait fâcheux d’avoir entièrement perdu l’amitié de la France. Il faut donc à la fois prouver à l’Angleterre qu’on a remporté une grande victoire, et à la France que cette victoire n’est rien. Il faut, pour expliquer la rupture de l’alliance, grandir le traité outre mesure, et, pour obtenir que l’alliance se renoue, réduire le même traité aux plus minces proportions. Il faut, en un mot, démontrer qu’on a eu raison de tenir peu de compte de la France, et donner à entendre que néanmoins on est plein d’estime pour elle. Or, cela est plus embarrassant pour ceux qui ont fait le traité que pour ceux qui l’ont accepté, pour les whigs que pour les tories, pour lord Melbourne et lord Palmerston que pour le duc de Wellington et sir Robert Peel.

Je viens maintenant à la question la plus grave de toutes. En supposant que l’Angleterre fasse des avances sérieuses à la France, convient-il de les accepter ? En d’autres termes, l’alliance rompue par le traité du 15 juillet doit-elle être renouée ?

Il est d’abord un point qui me paraît hors de doute : c’est qu’aujourd’hui, et tant que le ministère whig sera à la tête des affaires, la reprise de l’alliance serait un déshonneur et une impossibilité. L’alliance anglaise, il faut le dire, n’a jamais été très populaire en France, et ce n’est pas sans peine que les efforts réunis du gouvernement et de la presse étaient parvenus à la faire accepter. Les raisons en sont simples. La première, tout le monde la sent ou la comprend, c’est le souvenir de la grande lutte qui, en 1814 et 1815, se termina si malheureusement pour nous. Que l’Angleterre ne conserve de cette lutte aucun ressentiment, cela est naturel, puisqu’elle en est sortie victorieuse ; mais nous ne sommes pas dans la même situation, et tout patriotisme serait éteint en France si de tels évènemens n’avaient