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se consolide ? N’est-il pas possible que cette union si grande et si féconde produise de tels résultats et porte de tels fruits, que toutes les rancunes et toutes les préventions s’évanouissent pour toujours ?

Je suis, je l’ai dit ailleurs, de ceux qui ont toujours le plus vivement désiré le maintien et l’affermissement de l’alliance anglaise. Sans m’abuser sur les torts d’une politique toujours la même, quel que soit le parti qui gouverne, j’aime et j’estime l’esprit à la fois hardi et prudent, entreprenant et patient, qui a conduit ce peuple à de si hautes destinées. J’aime et j’estime jusqu’à cet orgueil patriotique qui, lorsque le nom anglais est sérieusement engagé, fait taire pour un moment toutes les dissidences, suspend toutes les querelles, efface toutes les nuances, et rallie autour du drapeau national toutes les opinions. C’est en Angleterre, d’ailleurs, qu’est né et que s’est développé dans sa grandeur et dans sa puissance le gouvernement auquel je suis sincèrement attaché, ce gouvernement parlementaire dont en France nous poursuivons la réalité avec tant de peine et si peu de succès. J’ajoute que, de tous les grands états européens, l’Angleterre est le seul qui n’ait aucune malveillance pour notre révolution, et qui, lorsque ses intérêts ne sont pas contraires aux nôtres, nous veuille un peu de bien. De plus, et ceci est le point capital, l’alliance anglo-française, quand elle est réelle, garantit la paix du monde, et favorise au plus haut degré les progrès de la civilisation. Malgré cela, je ne crois pas, je ne crois plus, à l’union intime de la France et de l’Angleterre. Je vais dire pourquoi.

Mettons pour un moment de côté les raisons que j’ai déjà indiquées, raisons graves pourtant, qui rendent l’alliance anglaise difficile à justifier dans le pays. Supposons que le temps ait triomphé des antipathies nationales, vaincu les préjugés populaires, rapproché les intérêts commerciaux ; supposons même que toute idée d’agrandissement ait disparu, et que la France ne tourne plus un œil de regret vers son ancienne frontière ; encore faut-il, pour que l’union intime des deux pays s’établisse, que ce soit à des conditions égales et de manière qu’une des parties ne reste pas à la discrétion de l’autre. Or, n’est-il pas presque impossible qu’il en soit ainsi ? L’Angleterre, état insulaire et la première des puissances maritimes, n’a rien à craindre, on le sait et elle le sait, pour son indépendance et pour sa nationalité. Pour elle, toute la question est d’augmenter ses possessions d’outre-mer, d’accroître son commerce, d’étendre son influence. C’est donc à la fois sur tous les points du globe qu’on la rencontre,