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DOCUMENS INÉDITS SUR MARIE STUART.

sous la condition, par eux, de la tuer secrètement, rapidement et sans compromettre Élisabeth. Ces derniers y consentirent, mais demandèrent de l’argent ; on en promit, moins qu’ils en exigeaient. Les choses en étaient là, et l’on marchandait avec une activité commerciale le sang de Marie, quand le principal vendeur du meurtre, le régent Mar, qui avait succédé à Murray assassiné, expira tout à coup ; ce fut le salut de la princesse. Déjà un nommé Elphinstone et le prieur de Dumferling s’étaient chargés des menus détails de l’assassinat : Cecil avait écrit lettres sur lettres pour en presser l’exécution ; Killigrew avait mené la chose avec toute l’habileté possible. Cette mort inattendue rompit des négociations tramées avec tant de secret, que trois siècles et les recherches de vingt historiens n’en avaient pas soulevé le premier voile. Toutes les lettres relatives à cet assassinat convenu sont conservées dans les archives d’Angleterre[1] et au Musée britannique[2], et viennent d’être imprimées par M. Patrick Fraser Tytler, dans son Histoire d’Écosse. Elles ne laissent pas le moindre doute. Il faut y voir avec quelle simplicité et quelle innocence ces hommes d’état s’entretiennent de la grande affaire, de la chose en question, de faire ce qui est dit, de faire et cetera (to do etc.), de dépêcher l’affaire, ce qui signifie vendre et acheter la tête d’une femme. « Les Écossais nous livreront leurs otages dans les champs, dit Killigrew, pour gage et garantie de l’affaire. Nous ne les garderons pas long-temps, tout sera fini en quatre heures[3]. »

Sa vie était sauve, mais sa cause perdue. Knox put se réjouir du fond de son lit de mort. Les catholiques n’osaient plus remuer en Écosse et en Angleterre. Je ne parle pas de l’Irlande catholique, dont la barbarie était si complète, que l’on s’occupait seulement d’elle pour aller, de temps à autre, mettre le feu à ses cabanes. Elle envoya vers cette époque au duc d’Argyle un ambassadeur, « lequel, dit Randolf, fit le voyage à pied, couvert d’un manteau de couleur safran, sans chemise et sans bas. On le reçut ; mais il ne voulut ni se raser, ni mettre une chemise, ni coucher ailleurs que dans la cheminée, sur

  1. Killigrew to Burghley, 23 novembre 1572, ms. — id., 23 novembre 1572. — id., 14 septembre 1572. — id., 29 septembre 1572. — id., 9 octobre 1572. — id., 13 octobre 1572. — id., 19 octobre 1572.
  2. Caligula, c. III, fol. 370, 373, 374.
  3. Les preuves historiques de ce fait sont tellement nombreuses, que les lettres relatives aux intrigues et négociations de Killigrew occuperaient environ cent pages in-8o.