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chambre des pairs ne voudrait certes pas choisir pareil terrain pour faire acte de toute-puissance et amener pour son compte une crise ministérielle.

Sans doute le projet trouvera des opposans. Toute mesure importante en trouve, et il est bon qu’il en soit ainsi dans une assemblée politique ; le débat élève, fortifie, nationalise les lois.

Sans doute quelque divergence politique, quelque reflet de l’esprit de parti pénètre même dans l’enceinte calme et grave du Luxembourg, assez pour animer la discussion, non pour en déterminer les résultats.

Sans doute encore l’origine première du projet paraît lui être défavorable au Luxembourg. Le cabinet du 1er mars n’y est pas, dit-on, en bonne odeur. Cependant, dans la session dernière, le cabinet du 1er mars étant aux affaires, la chambre a montré dans plus d’une occasion que, quelles que fussent les dispositions personnelles de ses membres envers ce cabinet, elle savait apprécier les mesures proposées en elles-mêmes, sans préjugé ni parti pris. Le rejet de la loi sur le remboursement de la rente ne touchait en rien à la politique du 1er mars.

Au surplus, si nous sommes bien informés, les hommes de guerre les plus éminens sont tous d’accord sur la question ; tous reconnaissent que, dans l’état actuel des choses, le projet de loi doit être adopté, ainsi que M. le maréchal Soult l’a demandé dans l’exposé des motifs, sans modification aucune.

On dit que les fortifications de Paris n’éveillent pas seules la sollicitude de nos voisins. On assure qu’après les observations de l’Autriche et de la Prusse sur nos armemens de terre sont arrivées celles du cabinet anglais sur nos armemens maritimes, sur la force de notre marine dans la Méditerranée. Singulière inquiétude de la part d’une puissance qui couvre toutes les mers de ses vaisseaux, qui fait sans scrupule flotter son pavillon sur des territoires qui ne lui appartiennent pas, et qui marche effrontément de conquêtes en conquêtes, comme s’il n’existait dans ce monde d’autres états que l’Angleterre et les pays qu’elle dévore ! La réponse a été, dit-on, la même que celle qui a été faite aux gouvernemens d’outre-Rhin. La France arme parce qu’il lui convient d’armer et qu’elle est maîtresse chez elle. Armez à votre tour, si cela vous convient : nous ne vous demanderons aucune explication, nous n’avons aucune crainte. De même pour l’Angleterre : qu’elle double, si bon lui semble, ses forces dans la Méditerranée. La France n’a pas d’observation à lui faire ; elle n’en admet pas pour elle-même.

Méhémet-Ali s’est conformé aux injonctions du sultan. La flotte turque a quitté Alexandrie, et l’armée égyptienne doit, à l’heure qu’il est, avoir complètement évacué la Syrie. L’Égypte est abaissée ; la Syrie est loin d’être rentrée sous la domination paisible de la Porte. L’esprit d’indépendance et de nationalité paraît vouloir s’éveiller dans cette partie de l’Orient, esprit que le sultan n’aurait pas les moyens d’étouffer. D’ailleurs l’élément chrétien s’agite de son côté et sert activement en Europe la cause des habitans de la Palestine