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EXPÉDITION DE L’ASTROLABE.

avoir des cadavres et se livrer à d’horribles festins. Il ne reste plus de traces de cette dépravation, et la concorde règne entre les chefs des îles. La mission a ouvert des écoles où les enfans viennent s’instruire, le beau-frère du roi commence à écrire passablement, et un grand nombre d’insulaires lisent très couramment leur catéchisme. Déjà les cases, plus solidement construites, prennent un air de propreté et d’aisance ; les cultures sont mieux entendues, la canne à sucre a été naturalisée, et l’on va jusqu’à tisser le coton. La race elle-même semble s’améliorer. Le type plat et écrasé de ces tribus fait peu à peu place, chez les enfans, à des lignes plus gracieuses et plus pures. Au lieu de vivre seulement de pêche, les naturels élèvent maintenant des poules et des cochons, et sur leur terrain volcanique toutes les céréales réussissent à souhait. Avec des moyens plus puissans, cette civilisation microscopique serait certainement plus avancée ; mais telle qu’elle est et si près de son berceau, elle surprend et charme à la fois. Rien n’est plus curieux que ces chrétiens qui marchent à demi nus, s’embarquent sur des pirogues à balancier, et brandissent leurs lances armées d’os de poissons. Sous cet aspect, en apparence farouche, ils cachent une docilité parfaite, et jamais on ne les vit rebelles à la voix de leurs pasteurs.

Ce n’est pas sans intention que nous parlons ici avec quelque développement de ce coin de terre. L’avenir de la propagande catholique dans les archipels de l’Océanie tient plus qu’on ne le suppose au succès de cette église naissante. Les missions anglaises et américaines, les presbytériens et les wesleyens, se partagent des îles importantes et les défendent contre le catholicisme avec une inquiétude ombrageuse. Vainement nos missions de Paris ont-elles engagé la lutte en envoyant de courageux apôtres à Taïti, aux Sandwich et dans la Nouvelle-Zélande. Les sectes luthériennes, investies de toute la puissance locale et agitant à leur gré les indigènes, ont suscité aux évangélistes français des difficultés sans nombre, et, ne pouvant les intimider, ont eu recours, sur plusieurs points, à des déportations violentes. Pour mettre un terme à cette oppression, notre gouvernement a fait quelques efforts : il a envoyé deux frégates[1] chargées de venger les outrages dont nos prêtres avaient à se plaindre Mais le fanatisme religieux ne capitule pas facilement, et la leçon, si sévère qu’elle ait pu être, sera bien vite effacée. La propagande luthérienne, s’appuyant d’un côté sur l’union américaine,

  1. Voyez dans la Revue du 15 août 1840,l’Artémise à Taïti.