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EXPÉDITION DE L’ASTROLABE.

tumes régulières, et les femmes y sont l’objet de plus d’égards que dans les autres groupes. On peut même dire que ces naturels possèdent des qualités d’un ordre supérieur, et entre autres une puissance sur eux-mêmes qui suppose une raison élevée et réfléchie.

Il est assez remarquable de retrouver sur ces écueils lointains quelque chose qui rappelle la société romaine. Les chefs tongas ont des cliens, de vrais cliens, qui, au moyen de ce patronage, tiennent un rang intermédiaire entre les patriciens et le peuple. Chacune de ces trois classes obéit à des lois qui lui sont propres et qu’on enfreint rarement. Le plus grand droit de la noblesse est ce même tabou, que l’on retrouve dans toutes les contrées polynésiennes. Un chef frappe de tabou, c’est-à-dire interdit à tous l’usage de denrées dont il craint l’épuisement ; il suspend, à l’aide de ce mot sacramentel, la pêche dans certaines baies, dans certaines criques, afin que le poisson puisse s’y renouveler ; il empêche de traverser les champs avant que la récolte soit faite, de toucher aux arbres avant que le fruit soit mûr. À ce point de vue, ce veto s’exerce tantôt pour l’utilité particulière, tantôt pour l’utilité commune. D’autres fois, il ne s’agit plus que de devoirs d’étiquette. Ainsi il est défendu de manger devant un chef, de toucher aux vivres qu’il a entamés. Ces interdictions puériles se multiplient à l’infini et ne semblent faites que pour maintenir la sévère distinction des rangs. Les classes peuvent se mêler par le mariage ; mais l’homme qui épouse une femme d’un rang supérieur vit toujours avec elle dans des conditions d’infériorité. Les enfans prennent la position du conjoint le plus noble. Les mariages se contractent avec une grande liberté ; les enfans des chefs seuls sont fiancés d’avance et astreints à une fidélité rigoureuse. Dans un cas d’adultère, la loi livre les deux coupables à l’époux outragé, qui peut se faire justice lui-même. Ordinairement il se borne à répudier sa femme. Peu de formalités accompagnent la cérémonie du mariage ; l’époux va chercher sa future dans la maison de ses parens et donne ensuite un repas aux amis des deux familles. Il n’y a pas d’autre consécration.

Les maisons des Tongas, d’un ovale allongé, se composent d’un toit soutenu sur un assemblage de poteaux et de solives proprement ajustés et réunis par des liens. Le plancher, en terre battue, est recouvert d’une couche d’herbe sèche, au-dessus de laquelle sont étendues des nattes en feuilles de cocotier. L’intérieur peut se diviser en plusieurs pièces au moyen de compartimens. D’autres nattes, roulées sur le talus du toit, s’abaissent au besoin pour garantir l’habitation de la pluie, ou se relèvent, dans les ardeurs de l’été, pour donner