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et retournèrent vers les corvettes. On tint conseil à bord, et l’attaque du village de Piva fut résolue pour le lendemain, 17 octobre.

À cinq heures du matin, les embarcations débarquaient sur les récifs : cinquante marins armés sous les ordres d’un lieutenant de vaisseau. Presque tous les officiers des deux navires avaient demandé à faire partie de l’expédition en qualité de volontaires. On s’attendait à une vive résistance de la part de Nakalassé. La veille encore il avait déclaré que sa forteresse ne capitulerait pas devant les Français, et qu’il se ferait enterrer sous ses ruines, plutôt que de se rendre. Cependant, quand le détachement marcha vers le village, aucun préparatif n’indiqua qu’on s’opposerait à ses efforts. C’est qu’au moment décisif, Nakalassé avait vu sa férocité naturelle se changer en un profond découragement. Son audace l’abandonna, et fuyant le péril, il ne songea plus à disputer la victoire. Nos marins trouvèrent la plage déserte. Pour laisser dans ces contrées un exemple éclatant, ils incendièrent le village de Piva et le palais de Nakalassé, orgueil de son maître. Deux heures après, il ne restait plus sur cet emplacement qu’un monceau de cendres et de décombres. Bien qu’il se fût soustrait à la vengeance des Français, le chef ennemi n’en était pas moins un homme perdu. Un préjugé religieux interdisait de rebâtir son village sur le même point, et partout ailleurs il se trouvait à la merci de rivaux implacables. Ainsi son châtiment aura été complet.

Le vieux chef de Pao parut s’associer de bonne foi au succès de cette affaire : la ruine de Nakalassé le débarrassait d’un voisin turbulent, que les conseils de déserteurs anglais auraient tôt ou tard poussé vers la conquête de toutes ces îles. En retour de ce service, il voulut que les Français vinssent le voir dans sa capitale et au milieu de tout l’appareil de sa grandeur. M. d’Urville se prêta à ce désir. Dans l’après-midi, l’état-major presque tout entier et un nombreux détachement des équipages se rendirent à Pao en grande tenue. Le vieux chef attendait ses hôtes sur la grande place du lieu, entouré des anciens de la tribu, rangés sur deux files et accroupis comme lui. À une distance plus grande se tenait la foule des insulaires, également assis sur leurs talons. Le silence le plus profond régnait dans cette assemblée. On eût dit une des scènes si bien décrites par Cook. Le détachement défila devant le roi, qui était nu comme ses sujets, et ne se distinguait que par un bonnet de laine, de fabrique anglaise, qui lui tenait lieu de couronne. Quand tout le monde fut en place, le commandant prit la parole ; il dit au roi que ses navires ne faisaient pas la guerre