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EXPÉDITION DE L’ASTROLABE.

jusqu’au 70e méridien, et les découvertes du capitaine Balleny, poussées jusqu’au 164e méridien, donneraient, dans un autre sens, un appui et une extension nouvelle à ces conjectures. De tout cela, on pourrait induire que le pôle antarctique, à la hauteur du 66e parallèle, est occupé par un continent considérable qui embrasse d’un côté les terres de Balleny, de l’autre celles de Kemp et de Wilkes, et dont les terres Adélie et Clarie de M. d’Urville seraient les saillies centrales. Ce continent comprendrait dix-sept cents milles en longitude, et avec un peu de goût pour les explications imaginaires on pourrait le prolonger de neuf cents milles encore jusqu’aux terres Enderby. Les explorations prochaines éclairciront ces questions confuses. Peut-être le capitaine James Clarck Ross, qui navigue maintenant dans les eaux antarctiques, a-t-il obtenu la solution de ce problème. Il est donc sage d’attendre et de se garder de toute hypothèse chimérique.

Vers la fin de février, après avoir touché à Hobart Town, l’Astrolabe et la Zélée remirent à la voile, et, dans une patiente navigation autour de la Nouvelle-Zélande, en complétèrent l’hydrographie. Ces travaux durèrent jusqu’au 28 avril, jour où les corvettes parurent dans la Baie des Îles. Sur l’un des côtés de cet immense hâvre, est située Karora-Reka, qui est maintenant une ville européenne. Beaucoup de navires en rade, une ligne de maisons bien construites et régulièrement alignées, des quais, un débarcadère, des magasins, voilà l’aspect de cet entrepôt du commerce zélandais. Grace à l’activité anglaise, ce pays se métamorphose à vue d’œil. Chaque jour le nombre des naturels diminue, et celui des colons s’accroît. On prévoit quel sera le résultat de cette double tendance. Pour en finir plus vite, on excite l’instinct guerrier des tribus qui s’entredéchirent. Nous avons eu l’occasion naguère de parler avec étendue de ce pays ; M. d’Urville y trouva les choses à peu près au même point où notre récit les laissait[1]. La prise de possession au nom de l’Angleterre venait de s’accomplir ; la Nouvelle-Zélande avait une garnison anglaise et un gouverneur. M. d’Urville y vit quelques membres de la mission catholique, et entre autres le curé Petit, qui officia dans une messe solennelle à laquelle assistait une portion des équipages des deux corvettes. Trente Zélandais, hommes ou femmes, composent la clientelle indigène de cette église, et quelques Irlandais s’y sont joints. Nos prêtres se plaignent plus que jamais de l’intolérance des missionnaires anglicans, dont la fortune scandaleuse

  1. Voyez, dans la Revue du 15 janvier 1840, Colonisation de la Nouvelle-Zélande.