Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 25.djvu/664

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
656
REVUE DES DEUX MONDES.

De semblables entreprises n’honorent pas seulement les hommes qui y concourent ; elles deviennent aussi des titres précieux pour les nations, elles propagent l’éclat de leur nom, elles importent à leur grandeur. Même au seul point de vue scientifique, il est digne, il est généreux, de se dévouer ainsi pour ajouter quelque chose au faisceau des connaissances humaines. Ce sont là des tâches qui écheoient aux peuples marqués du sceau de l’initiative. Il y a mieux : dans le sens de l’intérêt le plus étroit, ces croisières lointaines se justifient. Pour assurer son ascendant, un pavillon a besoin de se déployer dans toutes les mers sous des conditions d’autorité et de force. On fonde ainsi sans violence des habitudes de respect, on donne des gages à la sécurité des relations commerciales. Personne ne veut croire aux puissances absentes et à une influence qui ne se fait jamais voir. L’Angleterre et l’Union américaine ont compris cela, et leurs corvettes de guerre fatiguent toutes les plages. Aussi, ces états n’ont-ils pas, comme nous, des insultes à venger, ni des blocus onéreux à poursuivre. Menacer plutôt que sévir, prévenir plutôt que réprimer, telle est leur politique. C’est la moins coûteuse et la plus sûre.

Les expéditions scientifiques ont donc cet intérêt réel de porter le pavillon là où il est peu connu et d’en manifester au besoin la puissance, comme l’a fait le capitaine d’Urville avec tant d’à-propos et de succès. On peut donc les multiplier utilement en leur donnant des instructions plus étendues et des destinations moins rigoureuses. Tout y gagnerait, l’art nautique que perfectionne cette vie d’aventures, la politique qui désormais aurait moins de griefs à venger, le commerce heureux d’obtenir une protection plus suivie et plus efficace, enfin la science déjà si fière des efforts de nos marins, et redevable de tant de matériaux au commandant de l’Astrolabe et de la Zélée.


Louis Reybaud.