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siècles pour que toutes ces couronnes des Asturies, d’Aragon, de Castille, de Majorque, de Cordoue, de Grenade, pussent se réunir sur la tête des descendans d’Isabelle et de Ferdinand-le-Catholique ; et il ne fallut pas moins de temps pour que la France, déchirée d’abord par tous ces rois de Metz, d’Orléans, de Paris, de Soissons, divisée plus tard en une multitude de duchés et de comtés dont les chefs savaient se rendre redoutables au roi, finît, après l’extinction des ducs de Bretagne et de Bourgogne et des comtes de Provence, par ne former qu’un seul état.

Cette force d’agglomération, qui tendait à réunir en un seul corps les débris des grandes provinces romaines et à rapprocher des élémens en apparence si hétérogènes, résultait de plusieurs causes diverses. D’anciens rapports de race et de langue, dont l’origine se perd dans la nuit des temps, mais dont l’influence incontestable se manifeste encore, la force et la persistance de l’organisation romaine que les barbares n’ont jamais pu parvenir à abolir entièrement, et qu’ils cherchèrent à imiter dès qu’ils sentirent le besoin de reconstituer quelque chose ; enfin, les circonstances géographiques, les chaînes de montagnes, les mers, les grandes rivières qui formaient des barrières naturelles entre ces diverses contrées, durent contribuer dans des proportions différentes à préparer les élémens de cet esprit d’unité qui est aujourd’hui le plus sûr garant de l’indépendance des nations.

Placée dans des circonstances analogues, envahie par les mêmes barbares, si l’Italie n’eût été soumise à des influences particulières, elle aurait traversé les mêmes révolutions et aurait fini, comme ces contrées, par ne former qu’un état. Si cette réunion ne s’accomplit pas, c’est que l’Italie ne put jamais être entièrement conquise, et ce qui s’y opposa, ce furent les papes. Plus capables d’appeler des auxiliaires que de se défendre par leurs propres forces, ne pouvant établir leur puissance temporelle qu’à la condition qu’ils ne seraient pas entourés de chefs trop puissans, n’ayant ni armée, ni patrie, soumis à un mode d’élection qui ne leur permettait pas d’aspirer à soumettre l’Italie, ils s’appliquèrent à perpétuer le désordre dans l’espoir de régner par les divisions. C’est le plus grand reproche qu’on puisse faire aux chefs de l’église, que cet appel continuel des étrangers. Sous Théodoric et ses successeurs, les pontifes flottent entre les Grecs et les Goths ; après l’invasion des Lombards, ils appellent successivement Pépin et Charlemagne pour empêcher ces peuples de réunir l’Italie entière sous leur domination. Profitant