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et d’ailleurs la ligue de Cambrai prouva au monde qu’au besoin on savait aussi tourner contre ces républiques les armes étrangères. Tant que le reste de l’Europe fut, comme l’Italie, morcelé, les républiques italiennes, animées par un principe plus énergique, purent facilement repousser les attaques des princes étrangers ; mais, dès qu’il se forma partout de grands états, elles furent inhabiles à résister aux nations compactes et armées qui les entouraient. C’est en voyant l’impuissance où la démocratie était réduite que Machiavel, qu’on a si peu lu et si souvent cité, désespérant des républiques, voulut former un prince capable d’asservir et de défendre l’Italie. Il sentait que pour l’Italie il ne s’agissait plus alors de liberté, mais d’indépendance, et il espérait qu’à une époque où les princes seuls étaient forts, un prince pourrait chasser les étrangers d’une contrée qui n’avait besoin que d’être réunie. Personne ne répondit à cet appel fait par le secrétaire de la république de Florence, et les Farnèse, les d’Est, les Médicis, trouvèrent plus commode de régner sous le bon plaisir de l’étranger que de combattre son influence.

Bien que Charlemagne ait bouleversé la face de l’Italie, cependant, sous les rois de la seconde race, les Français n’exercèrent guère d’influence dans cette contrée. Ce fut plutôt l’Italie qui réagit sur la France, et ceux à qui le nouvel empereur d’Occident confia le soin de policer son peuple furent principalement des Italiens ou des hommes qui étaient allés s’instruire en Italie. Lorsque l’empire passa des Carlovingiens aux Saxons, les relations de la France et de l’Italie devinrent de moins en moins fréquentes, et ce ne fut que plus tard que les poésies des troubadours et les romans de chevalerie renouèrent les relations de ces deux pays. La littérature française s’était tellement répandue en Italie au XIIIe siècle, que, sans parler des poètes italiens qui écrivaient en langue romane, on connaît plusieurs ouvrages écrits en français par des Italiens, tels que la chronique de Canale, le Trésor de Brunetto Latini ; le livre de physique d’Aldobrandin de Sienne ; peut-être aussi la relation du voyage de Marco Polo fut-elle écrite d’abord en français. La bataille de Monteaperti, qui força tant de familles guelfes à chercher un asile en France, resserra les liens que l’activité des marchands lombards avait établis entre les deux pays, et enfin la conquête du royaume de Naples par Charles d’Anjou acheva de consolider ces liens.

Partageant avec le pape le soin de diriger la grande ligue guelfe, si souvent en guerre avec les Gibelins, dont l’empereur était le chef, le roi de France, au XIVe siècle, se trouvait investi d’un pouvoir